rds, de l'esprit de
Pascal, Buffon rejoint ici le grand moraliste idealiste.
On voudrait peut-etre que ce dernier mot meme de la pensee de Pascal,
que je viens de citer, Buffon l'eut dit, qu'il eut fortement rattache la
morale a la dignite de la pensee humaine, qu'il eut parle davantage des
devoirs que la singularite meme et l'excellence de sa nature imposent
a l'homme. Et l'on voudrait que parmi tant de choses qui distinguent
l'homme des animaux, Buffon eut mieux demele, et compte plus nettement,
celle qui l'en distingue le plus, la presence en son esprit de cette
idee qu'il est _oblige_. La morale de Buffon est que l'homme est tres
noble et doit s'ennoblir de plus en plus, C'est presque une morale
suffisante, a la condition qu'on en tire bien tout ce qu'elle contient.
Il ne l'a pas fait; il en tire seulement ceci: "Pensez, sachez, et
considerez ceux qui pensent et savent comme vos guides". Il pouvait
ajouter brievement: "Et soyez justes et bons; car c'est une maniere
aussi de vous distinguer infiniment de l'animalite." Encore que tres
elevee, la morale de Buffon, comme toute sa pensee, comme toute sa vie,
comme lui tout entier, est trop purement _intellectuelle_.--N'importe,
elle est elevee. Elle existe d'abord, ce qui en son siecle est quelque
chose; ensuite elle est fondee tout entiere sur ce principe que tout
avertit l'homme de ne pas prendre la nature pour guide et pour modele,
de ne pas l'adorer, de ne pas, meme, lui etre complaisant et docile; que
tout avertit l'homme qu'il lui est tres sensiblement superieur, et
cree avec des aptitudes a le rendre, progressivement, de plus en plus
superieur a elle.--L'homme est l'animal qui avec l'intelligence et le
temps peut abolir en lui l'animalite, et s'il le peut il le doit, voila
toute la morale de Buffon.--En cela il est hautement spiritualiste, et
peut-etre beaucoup plus qu'il n'a cru lui-meme, et d'un spiritualisme
qui, n'ayant rien de metaphysique, n'admettant point d'abstraction et
n'ayant aucun recours aux causes finales, n'etant que le langage d'un
naturaliste qui se rend compte froidement de la nature de l'homme comme
de celle des betes, n'est point suspect, et de sa discretion, de
son extreme modestie meme recoit une extreme autorite. Buffon le
naturaliste, sans qu'il en ait l'air, mais non pas sans qu'on s'en soit
apercu, est l'adversaire le plus grave, le plus inquietant et le plus
competent du _naturalisme_ du XVIIIe siecle.
IV
L'ECRIVAIN--SES THEOR
|