. Il y a des alarmes dans
cette application trop curieuse.--Cette explication que je donne du
defaut le plus saillant de Buffon s'applique bien, a ce qu'il me semble;
car les parties de ses ouvrages ou il y a exces d'ornement, ou de pompe,
sont d'abord ce qu'il a ecrit pour l'Academie francaise (_Discours
de reception--Eloge de la Condamine_); ensuite ce qu'il a ecrit en
collaboration avec des savants ses eleves (_Quadrupedes, Oiseaux_).
Dans ce dernier cas, il refait, il refond, il corrige, et toujours tres
heureusement, mais il recoit cependant et subit la contagion de la
coquetterie litteraire des hommes de science, et du trop beau style.
Mais dans les livres qu'il a ecrits tout entiers lui-meme, geologie,
mineralogie, embryologie (j'y reviens parce que je sais qu'on ne le lit
plus, et parce que c'est admirable), anthropologie, theorie de la terre,
epoques de la nature, je ne sais pas de style plus simple, plus grave,
plus net, plus franc, plus imposant sans faste, et meme sans chaleur,
comme il convient a un savant qui comprend tout, qui embrasse tout et
que ses idees les plus grandes n'etonnent pas; je ne sais pas enfin
meilleur modele du style propre a l'exposition scientifique.
Il est seulement, ce me semble, un peu plus long qu'il ne faut, et
sans precisement se repeter, donne a la meme idee, pour la faire mieux
entendre, plusieurs formes equivalentes, plusieurs tours ramenant
au meme point, en plus grand nombre peut-etre qu'il ne serait
indispensable. Peut-etre est-ce la, pour qui expose des choses toutes
nouvelles et qui songe au grand public, une necessite, dont, cent ans
plus tard, l'ignorant lui-meme ne se rend plus compte.
Et a travers tout cela la grandeur du sujet ne s'oublie jamais, parce
que l'auteur ne la met jamais en oubli. Condorcet a bien saisi ces deux
points de vue qu'il ne faut pas separer, parce que, aussi bien, Buffon
ne les a jamais separes lui-meme: "On a loue la variete de ses tours. En
peignant la nature sublime ou terrible, douce ou riante, en decrivant
la fureur du tigre, la majeste du cheval, la fierte et la rapidite
de l'aigle, les couleurs brillantes du colibri, la legerete de
l'oiseau-mouche, son style prend le caractere des objets; mais il
conserve toujours sa dignite imposante; c'est toujours la nature qu'il
peint, et il sait que, meme dans les petits objets, elle manifeste sa
toute-puissance."
On pourrait supposer a l'avance les idees litteraires de Buffon rien
qu'a connait
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