service d'idees emancipatrices, irreligieuses, et quelquefois, avec
Diderot, immorales. Elle etait devenue une forme, ou un auxiliaire, ou
instrument de l'atheisme liberateur. C'est de cette compromission, tres
dangereuse, surtout pour elle, et qui risquait d'empecher qu'elle devint
une veritable science, que Buffon l'a delivree.
Sans etre religieux lui-meme, il a eu de la science cette idee juste et
digne d'elle, qu'elle n'a pas a se mettre au service d'une doctrine de
combat et qu'elle dechoit a devenir un moyen de polemique. Il a cru
qu'elle se suffit a elle-meme, et qu'elle a un domaine dont sortir est
une desertion. La science, entre ses mains laborieuses et calmes, est
redevenue ce qu'elle etait chez nos bons savants tranquilles de 1700,
mais agrandie, approfondie, ordonnee et imposante. Les hommes de
l'Encyclopedie n'ont guere pardonne a Buffon cette secession, qui etait
une indiscipline. Ils ont senti en lui un indifferent, et peut-etre un
dedaigneux, c'est-a-dire le pire, a leur jugement, de leurs adversaires.
Ils ont bien vu, d'ailleurs, que sans sortir de son calme et de son
impassibilite d'observateur, et precisement un peu parce qu'il n'en
sortait pas, il dirigeait vers des conclusions tres contraires a leurs
tendances generales, relevant l'homme, le montrant obeissant aux lois
de la nature d'abord, et ensuite a d'autres, et lui persuadant que son
devoir, ou tout au moins sa dignite, n'etaient point a se confondre avec
elle. Et que le mouvement philosophique, issu, en grande partie, du
nouvel esprit scientifique et du gout des sciences naturelles, s'arretat
precisement au plus grand naturaliste du siecle, ne l'entrainat point,
ni ne l'emut, et le laissat parfaitement libre d'esprit et independant
des ecoles, c'est ce qui les desobligea sans doute extremement.
La science y gagna en dignite, en independance, en aisance dans sa
marche, et en autorite.
L'influence de Buffon comme savant a ete considerable. Son grand merite
d'abord et comme sa victoire, a ete de conquerir le public a la science
de l'histoire naturelle, comme Montesquieu l'avait conquis a la science
politique. Il a fait entrer l'histoire naturelle dans les preoccupations
et dans le commerce du monde lettre. Il a ete comme un Fontenelle grave,
imposant, qui a attire le public mondain a la science, sans faire a ce
public des sacrifices d'aucune sorte, et sans mettre une coquetterie
suspecte a le seduire. La douce et louable manie des cabine
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