ts d'histoire
naturelle chez les particuliers date de lui. Comme tous les hommes de
genie il a cree des ridicules, et celui dont il est le promoteur est le
plus inoffensif et le plus aimable.
Il a suscite des disciples dont les uns, comme Condorcet, le defigurent,
et poussent a l'exces, d'une intrepidite de dogmatisme qui l'eut fait
sourire avec toute l'amertume dont il etait capable, quelques-unes de
ses idees generales ou plutot de ses hypotheses; dont les autres, comme
Lamarck et Geoffroy Saint-Hilaire, sont des hommes de genie et des
createurs. On pourrait aller plus loin sans sortir de la verite, et dire
qu'un certain idealisme appuye sur la science est une nouveaute qui
vient de lui; et que son idee du lent et eternel progres de la nature
creant d'abord les organismes les plus grossiers, puis se compliquant
et s'ingeniant dans des constructions plus delicates et subtiles, puis
creant avec l'homme l'etre capable d'un perfectionnement dont nous
ne voyons que les premiers essais, trouve dans les _Dialogues
philosophiques_ de M. Renan son expression eloquente, poetique et
audacieuse, et comme son echo magnifiquement agrandi.
Son influence comme poete n'a pas ete moins grande que sa contribution
de savant a la conscience de l'humanite. La plus grande idee poetique
qu'ait eue le XVIIIe siecle, c'est lui qui l'a eue, et exprimee. La
majeste vraie de la nature, c'est lui qui l'a sentie. Il est etrange,
quand on cherche les origines en France du sentiment de la nature, si
tant est que ce sentiment ait des origines, qu'on trouve tout de suite
Rousseau, et qu'on ne trouve jamais Buffon. Il faut de Buffon n'avoir lu
que l'_Oiseau-mouche_ ou le _Kanguroo_ pour que tel oubli puisse etre
fait. La verite, pour qui, a lu les _Epoques de la nature_, est que
le grand sentiment de la nature est dans Buffon, et que la sensation,
exquise du reste, mais seulement la sensation de la nature est dans
Rousseau. La grande vision de l'eternelle puissance qui a petri nos
univers, et le sentiment toujours present de sa mysterieuse histoire
ecrite aux flancs des montagnes et aux rochers des cotes, c'est dans
Buffon qu'on les trouve a chaque page, et soyez surs que la phrase de
Chateaubriand sur "les rivages _antiques_ des mers" est d'un homme qui a
lu Buffon.
A vrai dire, cette fin du XVIIIe siecle a donne trois poetes, qui sont
Buffon, Rousseau et Chenier, et tous les trois, inegalement, ont eu dans
les imaginations du XIXe siecle un sens
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