t inutiles, mais que Mirabeau semble aimer. La langue est
plus pure, chez tel autre orateur, chez Barnave, par exemple; il n'en
est aucun chez qui elle soit plus pleine, plus vigoureuse et plus
solide. Et, encore que periodique, remarquez qu'elle a une certaine
nudite saine qui rappelle l'eloquence grecque. C'est qu'elle, n'est
presque jamais metaphorique. L'abus des images, qui sera si sensible
chez les orateurs qui suivront, est inconnu de Mirabeau. L'abus aussi
des citations anciennes et des allusions a l'antiquite est un genre de
declamation dont Mirabeau n'use nullement. Tout cela donne aux discours
de Mirabeau, et meme a quelques-uns de ses ecrits, malgre l'abondance
des mots, la multiplicite des synonymes, et, en general, une certaine
surcharge, le caractere de choses classiques, et une beaute durable
sur laquelle le temps n'a eu que peu de prise et a peu fait sentir son
effet.
IV
Mirabeau a ete malgre ses moeurs, malgre ses fautes, malgre le scandale
et la sottise de ses negociations financieres, qu'il ne faut pas
chercher a attenuer, un grand homme d'Etat, un grand philosophe
politique, et presque un grand citoyen. On ne peut s'empecher de
songer, quoiqu'il ait ete bien servi par l'opportunite pour lui de la
revolution, et par l'opportunite de sa mort, qu'il aurait pu jouer un
plus grand role encore, et plus utile, en un autre temps Notez bien
qu'au sien, il a eu un eclat incomparable, mais n'a servi a rien. Il a
regne plus que gouverne dans l'Assemblee nationale; et apres lui, il
n'est pas une parcelle de son systeme politique qui ait ete sauvee.
Faites-le vivre au contraire en 1750 ou en 1816: son oeuvre est plus
grande, son sillon est plus profond et plus fecond.--En 1750 il eut ete
un philosophe politique aussi instruit, aussi penetrant et plus assure
et decisif que Montesquieu, et il eut balance sans doute l'influence de
Rousseau, etant plus competent en choses politiques que Rousseau, et
aussi grand orateur. Il eut ete le grand theoricien politique du XVIIIe
siecle.--En 1816 ou en 1830, il aurait ete ce qu'il a particulierement
reve de devenir, un grand ministre, le ministre d'Etat d'une monarchie
constitutionnelle et parlementaire, puissant a la cour par son ascendant
personnel, puissant a l'Assemblee par sa parole, et populaire, ou tout
au moins, souleve, de temps a autre, par de grandes et subites marees
de popularite, parce qu'il est du temperament des Mirabeau d'etre
alternativement adores et
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