enier, et qui le sait bien, car les plus grands admirateurs qu'ait eus
Chenier en ce siecle sont dans ce groupe.
Malgre cette ecole neo-hellenique et les talents distingues qu'on y
compte; malgre, encore, le groupe des _Parnassiens_, petite ecole un peu
indistincte, ou se sont rencontres des romantiques moins la sensibilite,
et des neo-antiques moins l'intelligence profonde de l'antiquite, et qui
procede un peu d'Andre Chenier par le soin curieux de la forme rare;
malgre Hugo lui-meme, qui, avec sa prodigieuse souplesse d'execution,
s'amuse quelquefois a se donner la sensation de l'antique a la maniere
de Ronsard, et, parce qu'il a plus de gout que Ronsard, rencontre juste
Andre Chenier; malgre un certain nombre, enfin, d'infiltrations de son
esprit a travers la pensee de notre siecle, Chenier, en notre temps
comme au sien, reste un peu un isole. Il est un phenomene curieux de
deplacement. Classique dans un siecle qui croit l'etre et qui n'est que
prosaique; classique et connu seulement a l'epoque romantique; admire
par elle et recommande a notre generation par ceux a qui il ressemblait
le moins, et un peu defigure et denature, au premier regard du moins,
par ce patronage; il arrive a nous souvent mal compris, et plus souvent
mal classe.--Sans compter qu'on a parfois, en songeant a lui, l'idee de
ce qu'il voulait devenir, qui etait a peu pres le contraire de ce qu'il
avait ete, et de ce que, dans l'oeuvre qu'il a ecrite, il reste.
Le vrai moyen de le gouter tel qu'il est dans ce mince volume, que, dix
ans plus tard, il eut peut-etre desavoue, c'est de le lire dans une
bonne edition, comme celle du diligent Becq de Fouquieres, donnant en
notes la clef de ses imitations et reminiscences. C'est alors comme
notre bibliotheque grecque et latine qui s'anime, qui vit, qui prend une
voix, et qui chante autour de nous. Tous les bruits clairs et doux des
mers d'Ionie, des vallons de Sicile, des cotes de Baies viennent a
nous, sous notre ciel gris, et nous donnent une fete de lumiere gaie et
d'harmonies legeres:
Le toit s'egaie et rit de mille odeurs divines.
Et cette sensation est exquise; mais encore c'est celle que nous
donnerait un traducteur de genie. Et il voulait faire autre chose; et il
l'aurait fait. Et ce ne sont la que ses etudes et exercices. Il faut les
admirer et les cherir, mais non pas trop les imiter. Il ne faut pas trop
imiter les annees d'apprentissage meme d'un grand poete, sinon comme
exercice aussi,
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