qu'ils font, que les romantiques prirent Chenier pour un des
leurs, pour un precurseur et un allie. C'etait le moment ou, par horreur
de Racine et Boileau, les Romantiques chantaient la gloire de Ronsard,
sans se douter que Ronsard est le plus classique des classiques, et le
pere de tout le "classicisme" francais. L'erreur fut la meme a l'egard
de Chenier, etoile nouvelle de la vieille Pleiade. De plus, Chenier
avait certaines hardiesses de metrique qui seduisaient les novateurs.
Il n'en fallut pas plus pour declarer Chenier romantique et meme pour
soupconner Latouche d'avoir imagine les poesies qu'il publiait a
l'effet de soutenir la nouvelle ecole. Cette singuliere confusion s'est
prolongee, et l'on represente encore quelquefois Chenier comme un
precurseur de la litterature moderne.
C'est une erreur absolue. C'est le dernier des poetes classiques, qui
s'est distingue des poetes classiques de son temps en ce qu'il l'etait
veritablement, et remontait aux sources au lieu de contrefaire des
imitations; mais il est classique exclusivement, sans avoir meme le
soupcon des sentiments, passions et etats d'esprit qui seront familiers
a Chateaubriand, a Vigny, a Lamartine, et par consequent a Hugo. Le mot
a retenir, c'est celui ou Sainte-Beuve avait fini par en venir, apres
avoir longtemps dit sur Chenier des choses moins justes: "C'est notre
plus grand classique en vers depuis Racine".
Il n'a pas ete cependant sans influence sur une certaine partie de la
litterature du XIXe siecle. Chateaubriand avait montre qu'on pouvait,
tout en etant tres original, et de son pays, et de sa religion, et de
son temps, avoir le profond sentiment de la beaute antique et en tirer
d'admirables choses. Par ce cote de son genie, il venait en aide a
Chenier en quelque sorte, ne l'excluait point, au moins, et meme le
recommandait a son siecle. Et en effet, apres lui et un peu d'apres lui,
il y a eu, chez nous, nombre de poetes distingues qui ont cherche leur
inspiration dans les legendes antiques et dans les sentiment antiques,
quelquefois meme plus profondement compris qu'ils ne l'avaient ete par
Chenier, grace a une information un peu plus complete.--C'est la toute
une ecole beaucoup moins eclatante que la grande, mais qui marque sa
trace a part, et que la posterite en distinguera tres nettement. C'est
une petite ecole classique, ecrivant quelquefois en vers modernes, mais
toute classique en son essence et en son esprit, et qui procede d'Andre
Ch
|