artant d'un octosyllabe et en s'arretant sur
un octosyllabe aussi; puis une strophe partant d'un octosyllabe et
s'arretant sur un alexandrin; puis une strophe entre-croisant les uns
et les autres, mais ayant un alexandrin au debut et a la chute (et
remarquez que dans tout cela le decasyllabe, dont l'union soit a
l'octosyllabe soit a l'alexandrin est antimusicale, a disparu); et c'est
enfin l'iambe pur: "Sa langue est un fer chaud..."; et il le nomme:
"Archiloque aux fureurs du belliqueux iambe..."; et il le manie deja
avec beaucoup d'aisance, de surete et de vigueur.--Dans les _Suisses de
Chateauvieux_, et surtout dans les _Vers ecrits a Saint-Lazare_, il en
fera un admirable instrument de passion et d'eloquence.
VII
On voit quel homme superieur etait Chenier et quel grand homme il allait
devenir. Il faut se le figurer comme un excellent poete imitateur qui
allait se degager et devenir original lorsqu'il a ete frappe; et qui
avait pleinement acquis, juste a ce moment, une perfection de forme
capable de soutenir tous les sujets et d'etre a la hauteur d'une forte
inspiration personnelle.--Tel que nous l'avons, il est quelque chose
comme notre Tibulle, un Tibulle qui aurait quelquefois la voix d'un
Juvenal, et beaucoup plus souvent l'art laborieux, et les trop bonnes
etudes, et la memoire indiscrete d'un Properce.
Il etait peu connu comme poete a l'epoque ou il a vecu. Il etait
discret, montrait peu ses vers et les publiait encore moins. Le _Jeu de
Paume_ et les _Suisses_, c'est tout ce qu'il a fait imprimer en fait de
poesie de son vivant. Il ne faut pas tout a fait croire cependant que
Chenier ait eclate tout a coup en 1819, lors de l'edition de Latouche,
et fut absolument ignore auparavant. La _Jeune Captive_ avait paru six
mois apres sa mort dans la _Decade_, et la _Jeune Tarentine_ dans le
_Mercure_ de 1811. Chateaubriand cite plusieurs fragments des Idylles
dans une note du _Genie du Christianisme_; et Millovoye publia plusieurs
fragments du poeme _L'Aveugle_ dans les notes de ses elegies.
Chenier etait donc connu des lettres de 1794 a 1819. Mais il etait
inconnu du public. Latouche en publia une edition incomplete (les
notres le sont encore) et tres fautive, qui tomba en pleine revolution
romantique et fit grand bruit dans une societe toute preoccupee de
poesie. Il y eut un phenomene litteraire assez curieux. Les revolutions
litteraires ressemblent tellement aux autres, et leurs auteurs savent
si peu ce
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