bes,
tantot trois alexandrins sur un octosyllabe, tantot un alexandrin sur un
decasyllabe, ne sont pas un rythme pour une oreille francaise; c'est une
methode, au contraire, pour rompre continuellement le rythme a mesure
qu'il commence a se dessiner, pour derouter l'oreille des qu'elle
s'apprete a suivre une courbe melodique. Elle y renonce, et on lit tout
le _Jeu de Paume_ avec cette sensation, bien contraire au dessein de
l'auteur, qu'il est ecrit en vers libres.
Vers la fin de sa carriere il trouva la periode poetique, en vers
lyriques du moins, c'est-a-dire qu'il trouva la strophe pleine,
nettement coupee et soutenue, dans _Charlotte Corday_ et dans la _Jeune
Captive_.
Il trouva aussi, car il peut passer pour en etre presque l'inventeur, un
rythme agile, nerveux et bondissant qui est d'un merveilleux effet dans
l'invective et qu'il a manie tout a fait en maitre. C'est ce qu'il
appelle l'Iambe. Ceci est veritablement une petite conquete. "L'Iambe"
consiste dans l'entrelacement _regulier_ et continu de l'alexandrin a
rime feminine et de l'octosyllabe a rime masculine. Cela existait dans
la versification francaise, mais en _strophes_. Deux alexandrins et deux
octosyllabes, rimes croisees, formaient une strophe; puis, apres un fort
repos, une autre strophe semblable commencait. De ce systeme rythmique
Chenier avait meme sous les yeux un exemple tout recent, la derniere ode
de Gilbert. Ce qu'il a imagine, c'est de supprimer le repos. Des lors on
a un rythme continu, tres rapide, tres impetueux, d'une marche ardente
en avant, un des plus beaux de notre versification. Ce sont les
distiques elegiaques latins, plus courts, partant plus rapides par
eux-memes, et, en outre, avec une plus grande difference entre le vers
long et le vers court, ce qui double la force du jet et la saillie de
l'elan.--Et comme le rythme est continu, le poete peut y _faire
sa strophe_ a son gre, tantot partir de l'octosyllabe, tantot de
l'alexandrin, tantot s'arreter en chute de periode sur l'alexandrin et
tantot sur l'octosyllabe, varier ses effets a l'infini dans un dessin
rythmique arrete pourtant et tres net qui est une certitude pour
l'oreille.
Chenier avait comme tourne autour de ce rythme dont il avait l'instinct
secret et la confuse impatience. Dans "_A Byzance_" on surprendra les
tatonnements de l'Iambe. C'est d'abord la stance de trois alexandrins
tombant sur un octosyllabe; puis une strophe qui mele alexandrins
et octosyllabes en p
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