periodique (un peu trop
longue peut-etre) s'etale et se deroule dans ses brochures, comme dans
les plus courts ecrits de Mirabeau, avec une ampleur assez imposante.
Rappelez-vous une page de Mirabeau, a peu pres au hasard, car il n'a
pas, et c'est son defaut, en plus d'un style, et lisez cette page de
Chenier, qui du reste vaut qu'on la lise:
"Si les representants du peuple ne sont point interrompus dans l'ouvrage
d'une constitution, et si toute la machine publique s'achemine vers un
bon gouvernement, tous ces faibles inconvenients s'evanouissent bientot
d'eux-memes par la seule force des choses, et on ne doit point s'en
alarmer; mais si, bien loin d'avoir disparu apres quelque temps, l'on
voit les germes de haines publiques s'enraciner profondement; si l'on
voit les accusations graves, les imputations atroces se multiplier au
hasard; si l'on voit surtout un faux esprit, de faux principes fermenter
sourdement et presque avec suite dans la plus nombreuse classe de
citoyens; si l'on voit enfin aux memes instants, dans tous les coins de
l'Empire, des insurrections illegitimes, amenees de la meme maniere,
fondees sur les memes meprises, soutenues par les memes sophismes;
si l'on voit paraitre souvent, et en armes, et dans des occasions
semblables, cette derniere classe du peuple, qui, ne connaissant rien,
n'ayant rien, ne prenant interet a rien, ne sait que se vendre a qui
veut la payer; alors ces symptomes doivent paraitre effrayants."
Ce ton oratoire, tres soutenu, qui etait du reste le ton ordinaire
dont on usait alors toutes les fois qu'on parlait politique, mais qui
seulement chez les hommes de merite et d'education litteraire devenait
un style, est, chez Andre Chenier, imposant, eleve et de grande allure.
Quelquefois (encore que tres rarement) il touche a la vraie et grande
eloquence, et rappelle la dialectique enflammee des _Provinciales_. Ce
qui suit, avec plus de relief, de verdeur et quelque chose de plus dru
dans l'expression, serait une page de Pascal:
"Ils declarent abhorrer ces mots d'ordre, d'union et de paix, parce que,
disent-ils, c'est le langage des hypocrites. Ils ont raison. Il est
vrai, ces mots sont dans la bouche des hypocrites; et ils doivent y
etre, car ils sont dans celle de tous les gens de bien; et l'hypocrisie
ne serait plus dangereuse et ne meriterait pas son nom, si elle n'avait
l'art de ne repeter que les paroles qu'elle a entendues sortir des
levres de la vertu... C'est ainsi que cert
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