a nouvelle pensee d'Andre Chenier, comme son nouveau dessein, et elle
ressemble a l'ancienne en ce que la preoccupation de l'antique y
est encore, mais si bien tournee a un autre but, que c'est toute la
conception d'Andre Chenier qui s'est comme renversee. L'aimable poete
qui jusque-la sur des pensers anciens faisait des vers quelquefois un
peu jeunes, a pour but desormais et pour maxime:
Sur des pensers nouveaux faire des vers antiques.
De telle sorte que, comme je l'ai fait prevoir, il y a bien au moins
trois Cheniers, l'un antique dans sa pensee et dans sa forme; l'autre
contemporain de ses contemporains par sa maniere de penser et de sentir,
et celui-la d'une forme un peu incertaine et flottante, quoique encore
soutenu souvent par l'imitation de l'antique; le troisieme enfin, qui
voulait naitre, et dont nous ne connaissons que les promesses, et qui,
sauf la forme, que du reste il eut certainement ete force de modifier
tout en la gardant forte et pure, pretendait bien depasser le premier et
oublier completement le second.
Seulement, de ces trois Cheniers, le troisieme n'est interessant que
comme indication de tendances, et promesses, et deja demi-puissance
de renouvellement; et dans toute etude sur Andre Chenier c'est bien
toujours aux deux autres qu'il en faut revenir.
IV
OEUVRES EN PROSE
Les oeuvres en prose d'Andre Chenier ne depassent pas la mesure d'un
beau talent ordinaire de polemiste; et tout en faisant honneur au genie
d'Andre Chenicr en font encore plus a son caractere. Il a brillamment
soutenu de 1789 a 1793 la cause de l'ordre, de la raison et de la
justice; il a parfaitement merite l'echafaud, et voila, sans lui faire
beaucoup de tort, a quoi l'on pourrait borner l'appreciation de ses
articles et pamphlets.
Si l'on voulait plus de details, je dirais que ce qui frappe en lisant
ces pages, c'est le caractere sain et pur de la langue. Andre Chenier a
quelque chose, on l'a vu, de la declamation de l'epoque revolutionnaire
dans ses vers officiels et de circonstance. Il n'en a absolument aucune
trace, ce qui surprend, mais agreablement, dans ses articles. Ils sont
ecrits, a tres peu pres, dans la langue severe et sobre du XVIIe siecle.
Vigoureux du reste, et souvent d'un beau mouvement, ils sentent l'homme
qui deviendrait tres facilement orateur, et qui, dit-on, a ses heures,
l'etait en effet. Eleve de Buffon et de Rousseau, a tant de titres, il
l'est aussi de Mirabeau, et la longue phrase
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