pas
cree Chenier mais dont Chenier a profite. On venait de retrouver Pompei,
et les esprits, non pas tous, recommencaient a se tourner de ce cote-la.
Les _Analecta_ de Brunck venaient de paraitre, dont Chenier, qui connut
Brunck personnellement, faisait son livre de chevet. Winckelmann, que
Chenier a pu lire dans la traduction de Huber, donnait aux etudes sur
l'art antique une forte impulsion, et communiquait son vif, un peu
indiscret, mais salutaire enthousiasme. Et c'etait les voyageurs en
Grece, Choiseul-Gouffier, Guys, ami de Mme de Chenier, avec qui Chenier
s'est entretenu souvent, qui rapportaient de la terre sacree des
impressions et des souvenirs. Et, a l'ecart, au milieu de ses medailles,
de ses livres, et de ses dix mille fiches, le patient Barthelemy mettait
la Grece en mosaique par petits morceaux numerotes.--C'etait tout un
petit monde grec, tres passionne, tres epris, un peu inapercu en son
temps, et de petit bruit dans la grande rumeur, mais qui faisait son
oeuvre, reprise et agrandie plus tard. Chenier a parfaitement connu
cette societe de grands travailleurs et de demi-artistes, et a
parfaitement entendu ce petit bruit-la. Son originalite, a lui poete, a
ete d'aller de ce cote, ou semblait etre seulement un atelier d'erudits
et un cabinet de "medaillistes", et d'y voir et d'y sentir une vraie
renaissance, un retour au vrai classique francais, et la tradition
renouee.
Il l'a renouee lui-meme tres fortement, moins par les "imitations" et
traductions proprement dites que par l'air et le ton vrai. Ce serait une
sottise ou une plaisanterie de vouloir retrouver toute la Grece dans
Andre Chenier, et il y a toute une partie de l'art grec, et qui n'est
pas la moins grande, ou il n'est nullement entre, mais il a eu en toute
perfection le sens de l'epique, et de l'idyllique des Hellenes, le sens
d'Homere, de Callimaque et de Theocrite. Il a compris la Grece comme
un Romain tres intelligent des choses grecques la comprenait, comme
l'entendaient un Catulle, un Horace, un Tibulle, un Properce, et, a
dessein, tout en le nommant, j'evite un peu d'ajouter Virgile. Il a
touche a Chio, a Alexandrie et a la Sicile, et s'est comme promene
autour d'Athenes, a quelque distance, sans y entrer. Encore
pratique-t-il Aristophane, et le goute, et l'imite souvent. Precisement,
c'est qu'Aristophane, avec tant de dons, si divers, de genie poetique,
Aristophane grand humoriste, grand fantaisiste, grand lyrique, idyllique
charmant a
|