tous les hommes qui
ont ete capables de meditation, et que les Grecs ont connu beaucoup
plus, meme, que les Latins. On ne trouvera pas dans Chenier un echo de
Platon, qu'on peut trouver, avec un peu de complaisance, dans Joachim
du Bellay, qu'on trouvera, du premier coup et sans chercher, dans
Lamartine. C'est bien pour cela, remarquez-le, que Chenier s'inspire peu
des tragiques atheniens, depositaires et interpretes, si souvent, du
sentiment religieux grec, et qui ont, si souvent, medite sur le secret
obscur et effrayant de la destinee humaine. C'est la Grece pittoresque,
la Grece des beaux rivages, des belles collines, des groupes gracieux
autour d'une source, des theories harmonieuses le long de la mer
retentissante, des choeurs dansants sur la montagne blanche, dans le
ciel bleu, qui ravit son esprit, leger comme l'air leger des Cyclades.
Son horreur pour les poetes du Nord vient de la. Il deteste ces artistes
"tristes comme leur ciel toujours ceint de nuages, sombres et pesants
comme leur air nebuleux", et "enfles comme la mer de leurs rivages".
Fuyons de toutes nos forces "la pesante ivresse
De ce faux et bruyant Permesse
Que du Nord nebuleux boivent les durs chanteurs;"
et ne respirons que les senteurs fines et delicates, l'odeur de bruyere
et de thym qui vient, dans un murmure de flute, des pentes de l'Hymette
ou des ravins de Sicile.
Et, en effet, il a l'air, le gout et le parfum de la Grece. Plus que
tout autre poete francais, il atteint, quelquefois, la largeur et la
simplicite homerique, comme dans l'_Aveugle_, et (un peu moins) dans le
_Mendiant_; et aussi la grace plus molle et plus paree, bien seduisante
encore, des alexandrins, comme dans la _Jeune Tarentine_; et surtout, ce
qui plus que toute chose a ete le propre des Grecs, et des Latins qui
ont su les imiter, la ligne nette, souple et sobre, admirablement pure,
deliee et elegante du bas-relief. Il parle de _quadro_, souvent, en
songeant a ce qu'il fait, ou veut faire, de petits tableaux restreints,
delicats, bien composes et fins. C'est plutot de frises qu'il devrait
parler, de groupes legers, sans profondeur, sans vigoureux relief, sans
musculatures fortement accusees, sans expression de passions vives
et puissantes, mais d'un dessin net, d'une precision elegante, d'un
mouvement aise et noble, s'enlevant legerement et glissant avec grace
sur la blancheur et la finesse polie d'un marbre pur.
C'est proprement la son domaine, son originali
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