a liberte politique n'est jamais que
l'effet d'un equilibre entre les forces sociales; et entre une royaute
qui voulait rester tout et une assemblee qui voulait tout devenir,
voyant le danger egal, puisqu'il etait precisement le meme, dans
l'ancien despotisme et dans le nouveau, il s'est efforce d'etablir un
equilibre et une repartition reguliere de puissances.
Et il a semble meme se defier beaucoup plus de la souverainete menacante
de l'assemblee que de la souverainete cherchant encore a se maintenir du
pouvoir personnel, parce que, d'un oeil assure, il avait du premier coup
mesure la profondeur de la decheance de celui-ci et la force d'ascension
et d'invasion de celle-la.
Il n'a ete bien compris ni de la cour ni de l'Assemblee. Admire plus que
suivi par l'Assemblee constituante; a la fois craint, desire et
meprise de la cour, force par le desordre de sa fortune d'accepter les
subventions du gouvernement, ce qui ruinait son autorite et donnait a
ses patriotiques desseins un air de vulgaire conspiration, il mourut
fort a propos, au moment ou toute sa gloire comme aussi tous ses projets
allaient s'ecrouler d'un seul coup, et ou, sans doute, au lieu d'une
mort encore triomphale, il eut subi une fin tragique et, ce qui est pis,
ignominieuse.
A supposer qu'il eut vecu, et eut reussi a sauver une partie de son
influence, aurait-il, en restant fidele a sa pensee generale, agrandi,
elargi et complete son plan? Car il faut reconnaitre que, si juste qu'il
fut, ce plan ne laissait pas d'etre etroit. Mirabeau est un grand eleve
de Montesquieu, un peu gate, quoi qu'il en eut, par Rousseau et par le
Donjon de Vincennes. Il a vu que la liberte politique etait dans un
equilibre social, et cet equilibre dans la separation des pouvoirs; il a
vu qu'il y avait deux formes du despotisme, dont l'une etait le pouvoir
personnel unique, l'autre l'unique pouvoir legislatif; et voila certes
de grandes vues. Mais vouloir equilibrer la royaute et l'Assemblee
nationale seulement l'une par l'autre, limiter le roi par l'Assemblee,
et l'Assemblee par le roi: voila peut-etre, encore que meilleur que l'un
ou l'autre absolutisme, qui etait vain et illusoire. De ces deux forces,
seules maintenues l'une en face de l'autre, l'une certainement devait
devorer l'autre, jusqu'a ce que la survivante se dechirant elle-meme, la
premiere finit par reparaitre, ce que, du reste, il a prevu. Deux forces
sociales, seulement, ce n'est pas l'equilibre, c'est le conf
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