pareille idee, essentiellement desagreable a son
temperament, a ses penchants et a ses rancunes.--Et il a essaye de ce
systeme, seduisant du reste, et qui meme peut quelque temps reussir,
mais extremement instable et trebuchant, d'un roi en face d'une
Convention, avec la popularite de l'un, ou de l'autre, pour servir de
contrepoids.
Tel qu'il etait, remarquez que ce systeme etait beaucoup plus reflechi
et beaucoup plus savant que ceux du cote gauche et du cote droit de
l'Assemblee, cote droit ne revant que le maintien du pur pouvoir
personnel, cote gauche ne voulant que la souverainete pure et simple
de l'Assemblee, tous les deux foncierement et egalement despotistes.
Mirabeau ne trouvait peut-etre pas le frein a imposer a l'Assemblee,
mais du moins lui disait-il de se refrener; du moins lui a-t-il sans
cesse recommande une constitution ou le pouvoir legislatif et le pouvoir
executif fussent tres fermement, tres nettement, tres judicieusement
separes.--Remarquez encore, pour achever de le juger avec equite, que
ce qu'il faisait la etait tout ce qu'il pouvait faire. Deja suspect a
l'Assemblee et souvent considere par elle comme trop royaliste, il ne
pouvait, sans perdre toute influence, se montrer "parlementaire" et
"aristocrate". Le dogme de l'epoque etait deja l'egalite. Le respect, et
meme l'amour du roi restait encore; en profiter de maniere a maintenir
au roi une autorite suffisante pour que tous les pouvoirs ne fussent pas
ramasses dans les memes mains etait, peut-etre, tout ce que l'on pouvait
tenter.
Somme toute, Mirabeau est un grand homme d'Etat, puisqu'il savait
admirablement prevoir, et c'est un grand liberal, un homme qui a bien
entendu les conditions essentielles de la liberte, et qui a fait a
peu pres ce qu'il a pu pour l'etablir. Il a la vue longue, assuree et
distincte; il a vu a l'avance la Convention et l'Empire, ce qui est
beau, et n'a pas cesse de les voir et de diriger sa pensee politique
selon les avertissements que ce double pressentiment lui donnait, ce qui
est beaucoup plus beau encore. C'est eminemment un esprit historique, un
de ces esprits en qui l'histoire passee, l'histoire actuelle, et un
peu, par suite, l'histoire a venir vivent fortement, se dessinent
vigoureusement en leurs grandes lignes, et s'imposent constamment au
travail intellectuel.
Cela revient a dire que c'est un esprit politique comme il y en a tres
rarement parmi les hommes. A le lire on se sent en commerce avec une
h
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