regne et ne gouverne pas_" est une formule
aristocratique." Voila la clef de la politique de Mirabeau. Il ne veut
pas precisement un roi gouvernant, ce serait trop dire, il veut un roi
conservateur, un roi qui soit un frein et un moderateur, un roi _Veto_.
Il voit en lui comme un representant permanent et continu des interets
generaux de la nation, et qui doit avoir la force de les faire
respecter. Il l'imagine (et relisez le discours sur le _Veto_, qui est
toute une constitution), vous verrez si ce n'est pas exact, comme
un tribun du peuple, hereditaire et perpetuel. Le fond de la pensee
politique de Mirabeau c'est une "_Democratie royale_", comme il n'a pas
dit, je crois, mais comme on a beaucoup dit de son temps. Un peuple
libre, une assemblee qui le represente pour faire la loi, un roi qui le
represente pour empecher qu'il soit asservi par cette assemblee, et ce
roi tres solidement muni d'armes, du moins defensives, contre cette
assemblee, et cette assemblee assez fortement tenue en defiance, comme
toujours suspecte de vouloir ou de pouvoir constituer un gouvernement
aristocratique, et tres severement contenue dans son role de corps
legislatif: voila son systeme.
Et voila pourquoi, d'un cote il a un vif penchant pour le monarque, de
l'autre des faiblesses qui au premier regard semblent singulieres pour
le peuple. Il a eu des mots aussi malheureux que celui de Barnave, et a
propos de l'assassinat de Berthier et de Foulon, et a propos du pillage
de l'hotel de Castries. Soin de sa popularite et application a
rester toujours, aux yeux de la multitude, le "Marius" des elections
provencales, je ne l'ignore pas; mais veritable aussi et sincere
sympathie, intellectuelle au moins, pour le peuple, application d'une
theorie d'ensemble qui est bien la sienne, et ou le peuple a une tres
grande place. Ainsi ce n'est pas seulement par liberalisme qu'il est
defiant a l'egard du corps legislatif, c'est par antiaristocratisme,
mais son antiaristocratisme l'empeche de donner au corps legislatif les
freins et d'apporter au pouvoir legislatif les temperaments qui seraient
necessaires et seuls efficaces. Il est reste dans cette antinomie, qu'il
n'a pas essaye de resoudre, que peut-etre il n'a pas vue tout entiere.
Je suis certain qu'il l'a soupconnee, et qu'un moment au moins il a du
se dire que le liberalisme est essentiellement aristocratique, sous
peine de n'etre qu'un bon sentiment, mais qu'il a recule devant les
consequences d'une
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