vers la dissolution et non vers la constitution que nous conduisons la
Monarchie_, dont les interets nous ont ete confies, pour son malheur."
Quand on se reporte au temps ou ces paroles ont ete prononcees, on est
confondu d'une telle lucidite prophetique, et de tant d'avenir contenu
dans un esprit. Montesquieu disait: "Les faits se plient a mes idees";
mais c'etaient les faits passes, qui, assez facilement, prennent, en
effet, le tour qu'on leur donne; ici ce sont les faits que Mirabeau ne
devait pas voir qui semblent obeir a sa pensee, et venir a sa voix pour
realiser ses menaces, tant, a force de les prevoir, il semble les avoir
evoques.
C'est cette idee encore, cette crainte obsedante et trop justifiee de
l'unique assemblee souveraine qui lui faisait dire a propos du droit de
paix et de guerre: "Ne craignez-vous pas que le Corps legislatif, malgre
sa sagesse, ne soit porte a franchir les limites de ses pouvoirs par les
suites presque inevitables qu'entraine l'exercice du droit de guerre et
de paix? Ne craignez-vous pas que, pour seconder le succes d'une guerre
qu'il aura votee, il ne veuille influer sur sa direction, sur le choix
des generaux, surtout s'il peut leur imputer des revers, et qu'il ne
porte sur toutes les demarches du monarque cette surveillance inquiete
_qui serait par le fait un second pouvoir executif_?... Ne pourrait-on
pas, me dit-on, faire concourir le Corps legislatif a tous les
preparatifs de guerre pour en diminuer le danger?--Prenez garde; par
cela seul vous confondez tous les pouvoirs en confondant l'action avec
la volonte, la direction avec la loi; bientot le pouvoir executif ne
serait que l'agent d'un comite; nous ne ferions pas seulement les lois,
nous gouvernerions."
La liberte c'est la separation des pouvoirs, ainsi l'on peut resumer
toute la theorie politique de Montesquieu. A l'appetit de souverainete
que la Constituante prenait pour du liberalisme, opposer sans cesse,
avec une indomptable fermete, la loi de la separation des pouvoirs:
voila presque tout le role et tout l'effort de Mirabeau. Il avait deja
dit en 1784 aux Bataves: "Pour que les lois gouvernent et non les
hommes, il faut que les departements legislatif, executif et judiciaire
soient totalement separes." Il n'a cesse de le repeter a une assemblee
dont la majorite n'etait convaincue que d'une chose, a savoir que son
droit et son devoir etaient de ramasser en elle le plus de pouvoirs
possibles. Il a ete persuade que l
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