Buffon; et on y
souscrit.
Ainsi constituee, par le genie de quelques-uns, par la docilite prompte
ou tardive de la plupart, par la vulgarisation, l'habitude et la
tradition ensuite, la civilisation n'a pas de raison de n'etre pas
indefinie. Elle a eu ses eclipses, cependant, et songeons-y bien. Les
antiques astronomes qui avaient trouve sur les hauts plateaux de l'Asie
la periode lunisolaire de six cents ans "savaient autant d'astronomie
que Dominique Cassini", et avaient donc une science generale "qui ne
peut s'acquerir qu'apres avoir tout acquis", et qui "suppose deux ou
trois mille ans de culture de l'esprit humain". Et elles ont ete perdues
pendant un long temps ces hautes et belles sciences; "elles ne nous sont
parvenues que par debris trop informes pour nous servir autrement qu'a
reconnaitre leur existence passee." Il en est ainsi. Une civilisation,
lentement, se forme et se developpe; puis _la terre se refroidit_, les
hommes du nord chasses de leurs demeures "refluent vers les contrees
riches, abondantes et cultivees par les arts... et trente siecles
d'ignorance suivent les trente siecles de lumiere". C'est la diffusion
de la science humaine sur toute la surface de la planete, de telle sorte
que, detruite ici, elle reste la, et de la se propage, sans avoir besoin
de se recommencer, qui peut empecher le retour de tels malheurs.
Persuadons-nous donc que l'homme est ne pour savoir, pour exercer son
intelligence et agrandir son entendement, et que c'est la sans doute
tout l'homme, puisque c'est a la fois le signe distinctif de l'espece et
ce grace a quoi elle n'a point peri. Ajoutons, ce qui va de soi, puisque
c'est sa vraie nature, que c'est son bonheur: "Considerons l'homme sage,
_le seul qui soit digne d'etre considere_: maitre de lui-meme, il l'est
des evenements; content de son etat, il ne veut etre que comme il a
toujours ete, ne vivre que comme il a toujours vecu; se suffisant a
lui-meme, il n'a qu'un faible besoin des autres; il ne peut leur etre
a charge; occupe continuellement a exercer les facultes de son ame, il
perfectionne son entendement, il cultive son esprit, il acquiert de
nouvelles connaissances, et se satisfait a tout instant sans remords et
sans degout; il jouit de tout l'univers en jouissant de lui-meme."
Autrement dit: "Toute la dignite de l'homme consiste dans la pensee.
Travaillons donc a bien penser, voila le principe de la morale"; et si
peu mystique, si eloigne, du reste, a tant d'ega
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