l s'ensuit, et qu'il se
trouve parfois quelqu'un qui invente, et qu'il suffit que celui-la ait
trouve pour que toute l'espece fasse un progres.
C'est ce qui trompe l'observateur superficiel. On peut voir et etudier
mille hommes sans etre convaincu d'une si immense difference entre les
hommes et les animaux, et l'on peut s'aviser de dire: "Ces animaux-ci,
comme les autres, ne sont soumis qu'a des appetits et des passions, et
ont une intelligence rudimentaire a peu pres suffisante pour pourvoir
a leurs besoins et egalement repartie dans toute l'espece, comme les
fourmis, les abeilles, les castors et les hirondelles." Le Swift ou
le Micromegas qui dirait cela n'aurait pas observe le mille et unieme
individu humain, ou le cent mille et unieme; ou bien n'aurait pas lu
l'histoire de notre civilisation, si humble qu'elle soit.
Chose curieuse, il en dirait a la fois trop et trop peu; il serait
au dessus et au-dessous de la verite; car l'homme, a considerer les
ressources dont dispose la majorite de l'espece, n'est pas l'egal des
animaux, il est au-dessous. Il a beaucoup moins de force physique dans
la sphere ou s'agitent ses besoins que chacun des animaux dans celle des
siens, cela est evident; mais de plus, il a l'instinct beaucoup moins
sur, n'est pas averti, par exemple, par le flair ou le gout de ce qui
lui doit etre nuisible, par l'ouie du danger qui le menace, par les
impressions de l'air de l'instant precis ou il doit faire une migration,
etc. Il ne sait rien qu'apres l'avoir decouvert a force d'intelligence;
et, en majorite, il n'est pas tres intelligent. Mais quelques individus
le sont dans l'espece, et toute l'espece est educable. Il suffit. Un
homme trouve la charrue; il suffit: tous les hommes s'en servent. Un
homme observe que parmi tant de vegetaux pele-mele absorbes, c'est
celui-ci qui empoisonne; le lendemain, a peu pres, personne dans la
tribu n'en mange, et la tribu a fait un progres. L'espece humaine n'a
pour elle que l'intelligence de quelques hommes; mais heureusement
(sauf quelques caprices, et dont elle revient apres avoir egorge les
inventeurs, ce qui fait qu'il n'y a aucun mal), elle est tres docile aux
inventions, tres imitatrice des nouveaux procedes, essentiellement et
indefiniment modifiable par l'education.
C'est donc la pensee qui gouverne le monde, encore que les hommes ne
pensent guere; et ce qui met l'humanite au-dessus de l'animalite,
c'est le savant. On s'attendait a cette conclusion de
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