s congeneres detruisant ses congeneres moins bien douees; si,
de la sorte, elles se sont resserrees et contractees chacune en sa
perfection propre, et ont laisse entre elles de grands vides, jadis
pleins de transitions d'une espece a l'espece voisine, maintenant a
jamais profondes lacunes; songez si la plus forte des especes, la mieux
douee, et la mieux douee precisement en usant du temps comme auxiliaire
et instrument, l'espece capable d'accumulation de ressources, capable
d'experience hereditaire, capable de progres, n'a pas, dans le cours
prolonge du temps qui l'aidait, du laisser un vide enorme entre elle et
l'espece la plus rapprochee, n'a pas du se faire une place tellement a
part, et une constitution tellement singuliere qu'aucun etre vivant ne
peut lui etre compare meme de loin!
Au fond c'est l'idee de Buffon. L'homme est un animal tellement
superieur a la nature qu'il est comme une force particuliere de la
planete, il la change. Apres les grandes revolutions geologiques, il y
en a une autre, lente et minutieuse, mais incessante, qui est la vie de
l'homme sur la terre, sa multiplication, ses travaux, son fourmillement
intelligent, son egoisme imperieux et acharne, son vouloir-vivre plus
violent que celui d'aucun autre animal, la suite avec laquelle il
multiplie les especes animales et vegetales qui lui servent, refoule et
detruit les especes vegetales et animales qui lui nuisent, et aussi,
detruit, effrite du moins et volatilise les mineraux qui lui sont
utiles, laisse intacts ceux qui ne lui servent pas, etc.
Remarquez qu'il est le seul animal qui vive partout ou la vie animale
est possible, pourvu qu'il ait un peu d'air pour ses poumons. "Il est le
seul des etres vivants dont la nature soit assez forte, assez etendue,
assez flexible pour pouvoir subsister et se multiplier partout, et se
preter aux influences de tous les climats de la terre. Aucun des animaux
n'a obtenu ce grand privilege. Loin de pouvoir se multiplier partout, la
plupart sont bornes et confines dans de certains climats et meme dans
des contrees particulieres; les animaux sont a beaucoup d'egards des
productions de la terre, l'homme est en tout l'ouvrage du ciel."--C'est
de ce ton que Buffon parle toujours du "maitre de la terre", et je
ne cite pas, comme trop connu, le passage fameux: "Tout marque dans
l'homme, meme a l'exterieur, sa superiorite sur tous les etres
vivants; il se soutient droit et eleve; son attitude est celle du
commandemen
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