se qui separe l'homme des animaux. Il s'en distingue,
il n'en est pas separe. Nous refusons la faculte "de comparer les
perceptions" a la plupart des animaux, et il faut bien avouer que "le
chien et l'elephant ont quelque chose de semblable et que leurs
actions paraissent avoir les memes causes que les notres." Tout en
reconnaissant, et en connaissant bien les caracteres generaux qui
distinguent les vegetaux, les animaux et les hommes, n'oublions pas
qu'il y a beaucoup d'artificiel, signe bien plutot de notre impuissance
que de notre perspicacite, dans les classifications etablies par nous,
et que du dernier vegetal a l'homme il y a une ligne ininterrompue, et
encore une ligne avec des retours, des diversions, des digressions, des
accidents ingenieux de marche, et une serie imperceptible, souvent, et
deconcertante, de transitions. Il n'y a de "passage brusque" qu'entre ce
qui est vivant et ce qui ne l'est pas. La _vie_ est continue.
--D'ou l'on pourrait etre amene a supposer qu'elle est une, que tant de
varietes vegetales et animales ne sont que des transformations d'une
premiere _chose vivante_ unique qui s'est modifiee de mille facons au
cours du temps, qui peut se modifier encore et faire apparaitre de
nouveaux individus et par eux de nouvelles especes.
--Il y a deux problemes dans cette question. Le premier est celui
de l'origine des especes, le second est celui de la variabilite des
especes[98].
[Note 98: Sur tout ce qui suit, qui est relatif aux idees de Buffon
considere comme precurseur du transformisme, consulter Lanessan:
_Edition complete de Buffon_, avec des notes et une introduction; Edmond
Perrier: _La Philosophie zoologique avant Darwin_; Brunetiere: article
de la _Revue des Deux-Mondes_, du 15 septembre 1888.]
Sur le premier nous serons tres reserve, parce que c'est une affaire de
philosophie et presque de metaphysique beaucoup plus que de science de
la nature. Tout au plus dirons-nous qu'il n'est pas contre la raison
d'imaginer que "d'un seul etre la nature a su tirer, avec le temps, tous
les autres etres organises"; et qu'en creant les animaux "l'Etre supreme
n'a voulu employer qu'une seule idee et la varier en meme temps de
toutes les manieres possibles." Non, encore que ce ne puisse etre la
qu'une hypothese, elle n'est ni contre la raison ni contre les faits;
car, "quoique tous les etres variant par des differences graduees a
l'infini, il existe en meme temps un dessein primitif et general qu'o
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