he
d'Aragon_. Voltaire est un eleve de ce Corneille inferieur a lui-meme
qui a mis beaucoup de comedie d'intrigue dans un grand nombre de ses
tragedies.
L'esprit qui regne dans ces ouvrages d'imitation, et qui en a fait en
partie le merite aux yeux des contemporains et qui, pour nous, est au
moins important a considerer en ce qu'il marque fortement la distance
entre le XVIIIe siecle et le XVIIe, c'est un esprit de compassion, de
menagement pour les nerfs et la "sensibilite" des spectateurs. C'est un
esprit, et je ne dis que la meme chose en d'autres termes, d'optimisme
relatif, qui porte Voltaire a ne pas presenter les heros tragiques ni
comme trop epouvantables, ni comme trop malheureux. Il adoucit tres
"philosophiquement", et comme il convient en un siecle de "lumieres",
l'apre et rude tragedie antique, acceptee le plus souvent par Corneille,
et que Racine, quoi qu'en pense Voltaire, n'a nullement (ce serait
peut-etre le contraire) amollie et enervee.--La tragedie etait un
spectacle de terreur et de pitie fait pour interesser, avant tout; mais
aussi, un peu, pour faire reflechir l'homme sur l'affreuse misere de sa
condition, sur tous les crimes et malheurs que, soit l'immense hasard
ou il est jete, soit les redoutables forces aveugles, desordonnees et
folles qu'il porte en son coeur, peuvent lui faire commettre, ou
subir. A ce compte on sait si Eschyle, Sophocle, Euripide, Shakspeare,
Corneille souvent, Racine toujours, entendent bien ce que c'est qu'une,
tragedie.--Voltaire l'entend aussi; mais il aime a adoucir les choses.
L'epicurien reparait ici. Voltaire n'a rien de feroce. Il n'est pas
"Crebillon le barbare". Il veut que les grands crimes soient commis,
puisqu'il en faut dans les tragedies; mais il aime qu'ils soient commis
par megarde. Il a pleure bien des fois (on le voit par une dizaine
de passages de ses dissertations et de ses lettres) sur cette pauvre
Athalie si mechamment mise a mort par Joad. Il s'etonne que Joad ne
laisse pas Eliacin s'en aller avec Athalie et devenir son fils adoptif;
ce qui arrangerait tout. Voyez-vous l'homme qui ne se represente pas les
grandes passions furieuses et absorbantes, ambition ou fanatisme, et
qui, partant, ne se fait pas une idee vraie de la tragedie.
Aussi, quand il en fait une, il tempere et il biaise. Semiramis sera
tuee par son fils, mais par meprise, et a cause de l'obscurite qui regne
dans ce maudit caveau. C'est Assur qu'Arsace croyait tuer. Il pourra se
conso
|