rd de la couleur, et ensuite de la lumiere, et voila deux points
qui ne sont pas si peu de chose. Partout ou nous pouvons controler la
critique de Diderot par l'examen des toiles memes qu'il a critiquees,
nous voyons, ce me semble, que son sentiment du ton et des colorations
est entierement juste, et affine; et que pour savoir d'ou vient la
lumiere, ou elle doit aller, dans quelle mesure juste les objets en
doivent etre avives, ou baignes mollement, ou effleures, il est peu
d'oeil plus savant et plus exerce que le sien.
Et pour ces qualites qui sont moitie du peintre, moitie du litterateur
(et qui sont necessaires au peintre), savez-vous bien qu'il est passe
maitre? J'entends parler de l'instinct de la composition et du juste
choix du _moment_. Cet homme qui compose si mal un ecrit, compose, ou
recompose, admirablement un tableau. La ou il dit: bien compose, on peut
l'en croire. L'heureuse conspiration en vue d'un effet d'ensemble lui
saute aux yeux d'abord. Et quand il defait un tableau pour le refaire,
on sent bien le plus souvent, sinon que son tableau serait meilleur, du
moins que celui qu'il critique a bien les defauts de composition qu'il
releve.
Et de meme, le moment precis de l'action qui est celui que le peintre
doit saisir comme comportant le plus de clarte, le plus de beaute des
figures, le plus d'harmonie des lignes, et le plus d'interet, il est
souvent admirable comme Diderot l'entend bien et l'indique juste. Tout
le _Laocoon_ de Lessing est sorti de cette notion sure du "moment" du
peintre ou du sculpteur. Diderot avait tout a fait ce don, celui de voir
une action se grouper pour l'effet esthetique, et celui de l'arreter
juste a la minute ou elle sera le mieux groupee pour indiquer le
commencement d'ou elle vient et suggerer la fin ou elle va, et pour etre
belle en soi, et pour etre pleine de sens dans la plus grande clarte.
"Chardin, La Grenee, Greuze et d'autres (et les artistes ne flattent
point les litterateurs) m'ont assure que j'etais presque le seul de
ceux-ci dont les images pouvaient passer sur la toile presque comme
elles etaient ordonnees dans ma tete."--Je le crois fort, et cela va
beaucoup plus loin qu'on ne pense. C'est la marque meme du litterateur
ne pour sentir l'art. Un critique d'art doit etre un peintre a qui ne
manque que le metier. C'est a bien peu pres ce qu'a ete Diderot.
--Mais le metier lui-meme, la technique, pour parler plus noblement, est
partie essentielle de l'art a ce p
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