s quel musee secret honteux, tous, peinture, gravure, sculpture,
poesie, roman, tous, sauf l'architecture et le theatre, parce que tous
deux sont arts de grand jour et de pleine lumiere.
Si donc on repousse toute espece d'amusement litteraire et artistique
(c'est ce que fait Rousseau) il n'y a rien a dire a cela, si ce n'est
que je crains l'homme qui s'ennuie; mais si on accorde a l'homme ce
genre de divertissements, c'est le theatre qui est le meilleur, ou, si
l'on veut, le moins mauvais de tous.--Ce qui serait naturel, ce serait
donc que l'austere moraliste qui se defie de tous les arts et qui les
condamne, fit presque une exception pour le theatre. C'est le contraire
que fait Rousseau, parce que, comme je l'ai dit en commencant, le
theatre, s'il est, peut-etre, le moins nuisible des arts, est aussi de
tout ce qui est art, litterature, vie de civilisation et vie mondaine,
l'expression la plus eclatante, la plus seduisante et la plus vive;
et que c'est l'art, la vie de civilisation, et la vie mondaine que
Rousseau, avec une sorte de colere et d'inquietude, poursuit en lui.
IV
L'EMILE.
Il les poursuit, sinon plus encore, du moins en les serrant et pressant
de plus pres, dans l'_Emile_. L'_Emile_ est un roman d'education destine
a montrer et a prouver qu'il ne faut pas instruire; et etant donne le
systeme general de Rousseau, il n'y a rien de plus juste.--La societe
corrompt; l'education doit depraver: car l'education n'est pas autre
chose que l'art de mettre l'enfant au niveau de la societe ou il nait
et en commerce avec elle. C'est a ce niveau qu'il ne faut pas _le faire
descendre_, et c'est ce commerce qu'il faut lui epargner jusqu'au
moment, au moins, ou il pourra le subir sans en etre gate. L'essentiel
est donc d'isoler l'enfant, de le separer de la societe des hommes,
de la societe des enfants, et _meme de la famille_. Les reproches
ordinaires qu'on fait soit a Rabelais, soit a Montaigne, soit a
Fenelon, ne sont plus de saison ici. On peut leur dire avec raison
que l'education non publique, que l'education par le gouverneur, par
Ponocrates ou par Mentor, est tellement exceptionnelle par sa nature
meme qu'elle ne peut servir ni de modele, ni d'exemple, ni meme
d'indication utile; qu'elle n'est qu'une education de gentilhomme ou
de prince, et qu'ils ont, de la question, laisse de cote toute la
question.--Cette fin de non-recevoir, nous l'opposerons, quoi qu'il
dise, a Rousseau aussi; mais il peut y repond
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