n puissance legislative et en
puissance executive.... Tantot ils confondent toutes ces parties, et
tantot ils les separent. Ils font du souverain un etre fantastique et
forme de pieces rapportees.... Les charlatans du Japon depecent, dit-on,
un enfant aux yeux des spectateurs; puis, jetant en l'air tous ses
membres l'un apres l'autre, ils font retomber l'enfant vivant et tout
rassemble[91]."--Voila qui est dedaigneux. Il n'en est pas moins
qu'apres avoir ainsi detourne le soupcon d'imitation ou d'emprunt,
Rousseau profite de Montesquieu et ramene a son profit quelques-unes de
ses idees;--et nous voila ainsi conduits nous-memes a relever ce qu'il
y a de liberalisme dans le _Contrat social_; car il y en a.
[Note 90: Dans l'_Emile_, livre V.]
[Note 91: _Contrat social_, II, 2.]
Cette division des pouvoirs que Rousseau raille si dedaigneusement, il
la retablit par un detour. La souverainete doit rester indivisible, mais
les _delegations_ de la souverainete doivent etre separees, les pouvoirs
delegues doivent etre distincts, et cette precaution prise, revenant
tout simplement a l'idee et meme au langage de Montesquieu qu'il
jugeait tout a l'heure si plaisants, Rousseau nous dira: "Dans le corps
politique on distingue la force et la volonte, celle-ci sous le nom de
puissance executive[92].... Il n'est pas bon que celui qui fait les lois
les execute [93]."
[Note 92: _Contrat social_, III, 1.]
[Note 93: _Contrat social_, III, 4.]
Et cela pour une raison a la fois un peu subtile et tres juste, que
Rousseau tire ingenieusement de l'idee meme qu'il se fait de la
souverainete. La loi est la parole de la souverainete; elle est
l'expression de la volonte generale. C'est pour cela que la souverainete
ne peut parler que par la loi, non par une decision particuliere. La
volonte generale n'a son expression que dans la loi; elle ne
peut l'avoir dans une resolution de detail, d'interpretation ou
d'application. Elle cesserait alors d'etre volonte generale. "La volonte
generale _change de nature ayant un objet particulier_, et ce n'est pas
a elle de prononcer ni sur un homme, ni sur un fait[94]." Donc le peuple
ne doit etre ni gouvernement, ni juge. Il y perdrait comme sa nature
propre. Il deviendrait un particulier. Il y perdrait son droit (et il
faudrait ajouter son aptitude) a _penser generalement_, a decider sur
les ensembles, et a concevoir l'ordre et la regle. Donc ni le peuple, du
moment meme qu'il est legislateur, ne peu
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