'il y a
sensation proprement dite. Ils pensent: c'est-a-dire qu'ils accumulent,
puis elaborent des sensations qui sont capables de se reveiller: qu'ils
combinent, aussi, des idees elementaires pour parvenir a un but
ou eviter un obstacle. Ils veulent enfin c'est-a-dire que leur
vouloir-vivre est precis, energique et _circonstancie_, qu'il n'est
pas aveugle et sourd, et poussant devant lui en ligne droite, mais
ingenieux, sachant se menager, se retourner, se ployer selon le cas, et
meme se combattre, pour mieux, ensuite, se satisfaire, bref que, deja,
il sait peser et choisir.
L'animal sent, pense et veut; il vit _d'ensemble_, il est un ensemble;
il a une unite; il est un individu. Mais chez lui sensation, pensee,
volonte, ont, comparees aux notres, un caractere particulier; ce sont
sensation, pensee, volonte, pour ainsi parler, demi materielles.
L'animal sent, pense et veut, sans reflexion, du moins sans suite de
reflexions, sans generalisation, et par consequent sans pouvoir ni faire
de toutes ces sensations un sentiment, ni faire de toutes ses pensees
une idee, ni faire de toutes ses volitions un plan de conduite.--On est
amene ainsi a croire qu'il a un cerveau plus materiel, si s'on peut
parler ainsi, que le cerveau humain, et que son sens interieur est
simplement un _sens_, un sens plus raffine et plus delicat qur les
autres, mais un sens, seulement capable d'accumuler les sensations et
d'en conserver tres longtemps les ebranlements. On sait que la retine
conserve, longtemps apres que cette lumiere a disparu, l'impression tres
nette d'une lumiere vive. Le sens interieur de l'animal semble etre
quelque chose d'analogue. Il conserve des ebranlements dont la cause a
disparu, et sous l'influence de ces ebranlements, reveilles par telle
circonstance, il agit sans "volonte" proprement dite, d'un mouvement
presque automatique, sorte de contraction inconsciente[97]. Le chien
dresse a ne prendre le mets convoite que sur un signe, et qui resiste a
l'envie de le prendre tant que le signe ne s'est pas produit, est sans
doute un etre qui pense et qui veut. Mais il pense et veut confusement.
C'est un chien gourmand et un chien battu. Les ebranlements produits en
lui par la sensation d'agreable gout durent encore; les ebranlements
produits par la sensation du fouet durent encore; les uns
contrebalancent les autres, jusqu'a ce que le signe eveillant une
troisieme serie d'ebranlements, conforme a la premiere, la balance
penche. Ce
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