par seul amour de la clarte, et non jamais par croyance
en la realite de la classification. Il faut classer sans rien croire de
la classification la plus seduisante, sinon qu'elle est une bonne table
des matieres. Elle n'est jamais autre chose. Il ne faut jamais croire
avoir saisi le plan de la nature; car il n'est pas sur qu'elle l'ait
ecrit quelque part. Encore ici comme tout a l'heure, les classifications
ce sont nos idees. Ce sont nos idees groupant les faits naturels d'apres
des analogies qui sont des plis et des pentes, tout simplement, de notre
esprit. Ces groupements sont donc forcement artificiels. Ils le seront
toujours; ils ne le sont pas meme plus ou moins; par definition ils le
sont autant les uns que les autres, ils peuvent etre seulement plus
clairs, plus rigoureux, plus simples, plus logiques, ce qui n'est que
dire plus rationnels, c'est a savoir encore plus _humains_, non plus
_naturels_. Il faut donc bien se garder de s'y attacher avec je ne sais
quelle veneration scrupuleuse. Cette veneration n'est en son fond qu'un
egoisme et un orgueil; car la nature est la nature, et la classification
c'est l'homme; et tenir telle classification que nous venons de faire
pour le secret de la nature, c'est nous aimer plus qu'elle, et en
elle nous poursuivre encore; c'est oublier le principe meme de toute
observation et de toute recherche, a savoir la soumission a l'objet.
Classons donc, pour aider notre faiblesse, non pour interpreter
l'univers; ou plutot pour l'interpreter, sans pretendre le donner en sa
realite; car lui ne classe pas. "La nature n'a ni classe ni genre; elle
ne comprend que des individus." La nature n'est pas specifiante, elle
est synthetique. Elle nous parait specifiante, il est vrai, et ce serait
renoncer a nos manieres de connaitre, c'est-a-dire a notre esprit, que
de ne pas la prendre comme elle nous parait. Faisons-le donc; mais a la
condition que nous sachions bien que nous ne faisons qu'ordonner des
apparences, et que derriere, en son unite, en sa continuite, c'est la
nature vraie qui existe. A travers le travail, necessaire et meritoire,
du classificateur, retenir, maintenir et sauver l'idee de l'unite et de
la continuite de la nature, voila le devoir du savant.
Enfin la source d'erreurs la plus funeste en choses de sciences
naturelles est la preoccupation des causes finales. Les causes finales
tuent la science, parce qu'elles supposent la science faite, la science
achevee et consommee. O
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