ulement pour une verite, mais pour quelque
chose qui existe en soi, et qui a des forces et des puissances, et qui
gouverne et plie le monde, l'abstraction ainsi veneree et divinisee
etait a la fois dans la science une idole et un fleau. Dire: "_nulla
fecundatio extra corpus_,--_tout vivant vient d'un oeuf_,--_toute
generation suppose des sexes_"; c'est simplement constater la majorite
des cas observes; c'est une simple generalisation qui a juste la valeur
des observations qu'on a faites, et contre elle tout le risque des
observations a venir. Le penchant de l'ancienne science etait a faire de
ces "axiomes", de ces "proverbes de physique", comme dit spirituellement
Buffon, des principes superieurs a l'observation et a la recherche, et
devant lesquels l'esprit humain doit s'incliner. Ils devenaient comme
des etres divins, par suite de ce penchant de notre esprit a donner
toujours a ce que nous imaginons une realite personnelle, et ils
tyrannisaient ceux qui les avaient inventes. De meme la _Raison
suffisante_ de Leibniz ou la _Perfection_ de Platon, etaient comme des
divinites metaphysiques gouvernant les choses creees, et au service et
a la glorification desquelles le savant n'a qu'a se consacrer. C'est
la liaison suffisante ou la Perfection qui soutient et etablit
perpetuellement le monde; le monde est et continue d'etre pour qu'elles
soient, et le savant n'a qu'a expliquer le monde relativement a elles,
et pour les prouver.
Voila ce qui irrite Buffon; car qui ne voit que Raison suffisante ou
Perfection ne sont que des "etres moraux crees par des vues purement
humaines" et des "rapports arbitraires que nous avons generalises"? Qui
ne voit, ou ne devrait voir, que ce qui etait un soutien devient une
entrave dans la recherche, quand une idee, qui n'est qu'une idee, si
grande qu'elle soit, prend le caractere de je ne sais quelle personne
sacree dont les interets imposent au chercheur des devoirs, des
obligations et des limites? La science, a ce compte, devient vite une
apologetique, c'est-a-dire une rhetorique, un exercice intellectuel ou
la chose a prouver est posee d'abord en principe et tire a elle, et
necessite, et conditionne l'argumentation, au lieu d'en sortir, source
du raisonnement au lieu de n'en etre que l'aboutissement, alterant
par consequent presque a coup sur la sincerite de la recherche et la
rectitude de la pensee.
Il en va de meme des classifications trop superstitieusement respectees.
Il faut classer
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