r, elle est toujours en formation. Tant qu'il y
aura un fait inconnu, l'ignorance ou nous en sommes empeche de conclure,
et les causes finales supposent tout conclu. Pour que l'on puisse dire
que tel phenomene existe _afin que_ tel autre soit, c'est l'intention
generale et universelle, c'est l'intention de l'univers qu'il faut
avoir saisie, ce que seul celui la pourra se flatter d'avoir fait qui
connaitra exactement tout. Les causes finales sont comme un retour sur
les causes efficientes pour les verifier et les justifier. Elles disent:
telle chose produit bien telle autre, _car_ celle-ci etait le but de
celle-la. Mais ce retour ne peut se faire qu'apres qu'on a ete au bout
de tout, manque de quoi il est purement hypothetique, arbitraire et
recreatif. Or, dans la nature, le bout de tout est dans tous les sens;
elle est un cercle dont le centre et la circonference sont partout; ce
serait donc non pas de l'extremite d'une premiere serie de causes et
d'effets que l'on pourrait revenir, avec le point de vue des causes
finales, pour verifier et justifier cette premiere serie d'effets et de
causes; mais ce ne serait qu'a l'extremite de toutes les series dans
tous les sens, a l'extremite de tous les rayons de cette circonference
qui est partout, c'est-a-dire, plus simplement, quand on connaitrait
exactement toutes choses, qu'on serait assez fort pour entreprendre
legitimement la verification par les causes finales. Il est de leur
essence, parce qu'elles supposent tout connu, de n'etre pas un moyen
de connaitre. Elles n'ont aucun caractere scientifique d'ici a la
consommation de la science, c'est-a-dire d'ici a la consommation des
ages.
Ne nous en servons donc _jamais_. "La reproduction se fait _pour que_
le vivant remplace le mort, _pour que_ la terre soit toujours egalement
couverte de vegetaux et peuplee d'animaux, _pour que_ l'homme trouve
abondamment sa subsistance..." sont des formules absolument vides, et
dangereuses comme tout ce qui a l'air de prouver quelque chose. Tout a
l'heure, nous avions affaire a des abstractions metaphysiques; ce sont
maintenant des "abstractions morales", c'est-a-dire des abstractions
fondees sur des "convenances morales". Nous ne disons ces choses
uniquement que parce qu'elles nous plaisent ainsi. La raison qui les
fonde n'est que le plaisir qu'elles nous font. Il nous "convient"
que l'univers soit fait pour nous, il n'y a pas autre chose dans ces
proverbes qui se donnent pour des verites. C
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