its, du moins des convenances, des interets respectables de la
minorite; ou meme des individus. Rousseau voit tres bien que cet etat
n'est deja plus la pure democratie; elle est une maniere d'aristocratie,
et il la nomme de son vrai nom "l'aristocratie elective". Voila qui
n'est pas bon. Il nomme bien cela, en passant, "le meilleur des
gouvernements"; mais il s'arrange de maniere que ce meilleur des
gouvernements ne fonctionne pas. Ces legislateurs, dont les discussions
mettraient un peu de raison, d'attenuation au moins et de temperament,
dans la rude organisation sociale, dans ce systeme de pression de tous
sur chacun, ces legislateurs n'auront pas a discuter; leur mandat sera
imperatif, et leur decision nulle, du reste, tant qu'elle ne sera pas
ratifiee par le peuple lui-meme. Cette "souverainete" ne peut etre
representee, parce qu'elle ne peut pas etre alienee. "Les deputes
du peuple _ne sont pas_ ses representants; ils ne sont que ses
commissaires. Toute loi que le peuple n'a pas ratifiee est nulle... Le
peuple anglais se croit libre; il se trompe fort; il ne l'est que durant
l'election des membres du parlement; sitot qu'ils sont elus, il n'est
rien."--Et nous voila revenus au pur gouvernement direct, c'est-a-dire a
la foule pur tyran, tyran dans toute la force du terme, c'est a savoir
despote capricieux et irresponsable.
Plus capricieuse, plus irresponsable et plus despote qu'un roi absolu,
remarquez-le, parce qu'elle est multiple et anonyme. Un roi absolu n'est
jamais absolu, parce qu'il n'est jamais irresponsable. L'isolement est
une responsabilite. Un homme qui gouverne seul ose rarement tout se
permettre, parce qu'il est seul, et qu'il a un nom, et qu'il est connu.
Il sait, quand une faute est commise, vers qui les yeux se tournent, sur
qui les blames tombent, vers qui les plaintes montent. La foule anonyme
se permet tout, parce que son irresponsabilite est absolue. Elle ne
risque pas meme d'etre meprisee.--C'est pourtant a ce despote sans frein
que l'ombrageux Rousseau, si jaloux de son independance, s'abandonne. Il
n'y a pas un atome ni de liberte ni de securite dans son systeme.
Il n'y a pas non plus une seule chance de bonne justice. Ce peuple
souverain qui m'eleve, me fait penser, me fait agir, et me petrit de
toute part, me jugera-t-il aussi? Oui, sans doute, et soyez-en surs.
Dans l'Etat de Rousseau, la justice sera rendue par les candidats a
la deputation[87]. "La fonction de juge doit etre un etat p
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