assager
d'epreuves sur lequel la nation puisse apprecier le merite et la probite
d'un citoyen pour l'elever ensuite aux postes plus eminents dont il
est trouve capable. Cette maniere de s'envisager eux-memes ne peut que
rendre les juges tres attentifs...."--a quoi, si ce n'est a plaire a
ceux qui les nomment, et a etre les instruments dociles d'un parti?
Tout au gre du suffrage universel, rien qui soit soustrait, par une
constitution, ou par des privileges et droits acquis, ou par une
reconnaissance du droit de l'individu, a sa prise inquiete, avide et
capricieuse; et avec cela le mandat imperatif, le plebiscite necessaire
a chaque loi pour qu'elle soit valable, et la magistrature elective,
c'est-a-dire servante d'un parti: tel est le systeme complet de
Rousseau. C'est la democratie pure, dans toute sa rigueur, avec tout son
danger.
[Note 87: _Gouvernement de Pologne_.]
J'ai montre que Montesquieu, deja, sans etre democrate, avait eu
quelques illusions sur l'aptitude du peuple, non pas seulement
a controler la maniere dont on le gouverne, mais a choisir ses
gouvernants. Montesquieu repousse absolument le plebiscite, et ne
reconnait a la foule aucune valeur legislative; mais il la croit tres
judicieuse dans le choix des personnes. "Le peuple est admirable pour
choisir ses magistrats", dit Montesquieu; et s'il n'avait ete un
parlementaire, sans doute eut-il pris le mot magistrat aussi bien dans
le sens de juge que dans celui de representant politique. Cette maniere
de penser, dont on voit que je ne fais point l'erreur du seul Rousseau,
vient d'abord d'un certain optimisme genereux, de quelques souvenirs de
l'antiquite ensuite, qui mieux entendus, au reste, pourraient conduire a
d'autres conclusions, enfin et surtout de l'absence d'experience, et de
l'impossibilite d'observer. Les hommes du XVIIIe siecle ont eu l'idee
de bien des choses; ils n'ont pas pu avoir l'idee d'une nation. Ils ont
tous cru, plus ou moins, qu'une nation avait beaucoup d'unite dans
les vues, et qu'au moins, ce qui en effet parait probable au regard
superficiel, elle ne pouvait que bien entendre son interet. Un penseur
est toujours un homme qui a peu de passions, du moins qui en a moins que
les autres, du moins qui en est moins continuellement obsede que les
autres, moyennant quoi, justement, il pense; et il est par la toujours
assez porte a voir dans le monde plus de raison et moins de passion
qu'il n'y en a. Rousseau tout a fait, Montesquieu un
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