s sont freres. A les
confondre, il est vrai qu'on leur fait parler a tous une langue de
Babel; mais aussi quand on cultive l'un, etre, de nature ou par effort,
entierement etranger et insensible aux autres, c'est risquer de ne
connaitre que le metier et de s'y confiner. Le poete dramatique ne doit
pas _viser_ au tableau, mais qu'il se connaisse en peinture, meme pour
son art je ne crois pas que ce soit inutile. Le peintre ne doit pas
faire propos d'attendrir; mais qu'il sache ce qu'est la personne humaine
dans l'attendrissement et la douleur, ce n'est point de trop. Et le
critique ne doit pas se tromper d'emotion, et transporter devant les
toiles l'etat d'esprit qu'il a eu parterre, et c'est un travers ou
Diderot tombe parfois; mais s'il ne connaissait qu'un genre d'emotion,
peut-etre risquerait-il de n'en connaitre aucun, peut-etre en
arriverait-il vite, a moins que meme il ne partit de la, a ne savoir
d'une piece que si elle est bien faite, et d'une toile rien, sinon que
tel ton est juste et tel douteux.
Un critique artiste plutot que "technique" c'est ce qu'a ete Diderot, et
c'est le "metier" aussi bien au theatre qu'au salon qu'il a peu connu;
mais ses impressions generales sont justes, et il ne s'est trompe ni sur
Greuze ni sur Sedaine.--Remarquons de plus que si sa critique est si
litteraire, c'est que la peinture de son temps est bien litteraire
aussi. Il a affaire a des tableaux qui s'appellent quelquefois, et meme
souvent: _Le Clerge, ou la Religion qui converse avec la Verite_;
--_Le Tiers Etat, ou l'Agriculture et le Commerce qui amenent
l'Abondance_;--_Le Sentiment de l'amour et de la nature cedant pour
un temps a la Necessite_;--_L'Etude qui veut arreter le Temps_;--_La
Justice que l'Innocence desarme et a qui la Prudence applaudit_. "Je
defie un peintre avec son pinceau...." disait Moliere....; les peintres
du temps de Diderot avaient l'intrepidite de traiter ces sujets-la
avec leur pinceau. Ils etaient extremement litterateurs. Ils etaient
pathetiques, comme Greuze, et spirituels, comme Boucher. Quand on y
songe bien, ce qui doit etonner ce n'est point du tout que Diderot
ait ete litteraire dans sa critique d'art, c'est combien il l'a ete
moderement. Et c'est bien plutot un retour au vrai sens artistique que
je serais tente de voir dans les _Salons_ de Diderot qu'une influence
predominante et funeste du "point de vue litteraire".
Car, on ne le dit vraiment pas assez, il a le sens infiniment sur,
d'abo
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