fante, et cette imagination _a la
suite_, et qui a besoin que quelque chose fasse la moitie de son office,
mais vive encore et alerte, il eut ete un critique dramatique, ou plutot
un chroniqueur theatral de premier ordre. Ce sont des tableaux qu'il
a regardes; c'etait encore mieux son affaire. Les _Salons_ sont tres
souvent admirables. Il decrit d'abord, puis il refait; c'est son procede
ordinaire. C'est la part de l'oeil et celle de l'imagination speciale
que j'ai dite. Quand l'oeil, si voluptueusement rempli des formes et des
couleurs, s'est comme vide, l'imagination excitee se donne carriere.
Elle reprend la matiere que le peintre lui a fournie et la dispose d'une
autre facon. Elle se joue dans ces limites bornees avec infiniment de
souplesse, de vivacite et de bonne grace: puis elle s'emancipe encore,
depasse un peu le cadre et du tableau du peintre et du tableau refait
par elle-meme, et se livre a une reverie, un peu contenue encore, qui
est charmante. Ces echappees de fantaisie sont plus agreables ici, et
moins inquietantes qu'ailleurs, parce qu'on sait qu'elles n'iront
pas trop loin, seront un peu surveillees par le critique qui ne peut
s'endormir tout a fait, seront dominees, du reste, toujours un peu,
et, partant, un peu maitrisees par le souvenir de l'oeuvre qui les a
inspirees. Dans ces conditions la verve de Diderot a tout charme, sans
ses perils. Comme son imagination a besoin qu'on lui donne le branle, sa
verve aussi a toujours besoin qu'on lui donne le ton.
Et je sais tout ce qu'on a reproche a cette critique artistique de
Diderot. Cette critique artistique, a-t-on dit, est une critique toute
litteraire. Variations d'un lettre a propos de tableaux.--Il est un peu
vrai. Et c'est ici qu'il est a propos de faire remarquer quel est le
fond meme de la critique et de toute l'entente de l'art chez Diderot. Ce
n'est autre chose que la confusion des genres. Il a eu sur le theatre
des idees de peintre, et sur la peinture des idees de litterateur. Il
a voulu au theatre des _tableaux_ et sur les toiles des scenes de
cinquieme acte. Il a ete pour un theatre qui parlat aux yeux et pour une
peinture qui parlat aux coeurs; et quand on est mechant, on dit qu'il a
ete bon critique dramatique au Salon, et bon critique d'art au Theatre.
Cela certes est un defaut, mais qui ne va pas sans sa revanche. Il ne
faut pas confondre les genres, mais il ne faut pas les separer jusqu'a
mettre entre eux des lois de proscription. Les art
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