moins de talent, a fait de meme, et il a
eu raison. De vraie couleur locale il n'en a point mis; le minimum, je
dirai presque la petite illusion necessaire, ou agreable, de couleur
locale, il l'a donnee.
Il l'a rendue plutot, et c'est la son merite. Rappelez-vous que, de son
temps, on etait, sur ce point, en arriere de _Bajazet_, et de Corneille.
On n'osait plus s'ecarter de l'antiquite grecque et latine: "C'est au
theatre anglais que je dois la hardiesse que j'ai eue de mettre sur
la scene les noms de nos rois et des anciennes familles du
royaume."--"L'auteur de _Manlius_ prit son sujet de la _Venise sauvee_,
d'Otway. Remarquez le prejuge qui a force l'auteur francais a deguiser
sous des noms romains une aventure connue, que l'Anglais a traitee
naturellement sous des noms veritables... Cela seul en France eut fait
tomber sa piece."--Voltaire n'a point elargi le domaine tragique, il a
tout simplement varie les sujets; il n'a point, et pour bonne cause,
invente la couleur locale, mais il a affranchi le theatre de la
routine greco-romaine. C'etait un progres, en ce sens que c'etait une
excitation. Ce n'etait point ouvrir une source; mais c'etait stimuler
l'attention du public, l'imagination des auteurs. De la, bien plus que
de Shakspeare, est venu plus tard le theatre romantique. Les drames
romantiques de 1830 sont des tragedies de Voltaire enluminees de
metaphores. Et si ce n'est pas un tres grand service rendu a la
litterature francaise d'avoir, en revenant a _Don Sanche_, conduit a
_Hernani_, c'en est un de n'en etre pas reste a _Manlius_.
Les comedies de Voltaire ressemblent a ses tragedies de la derniere
maniere, et peuvent etre un des chemins qui l'y ont amene. Ce sont de
petits contes moraux, ou de petites nouvelles sentimentales. Un roman
conte lentement et solennellement, en dialogue, en alexandrins, c'est,
le plus souvent, une tragedie de Voltaire; un conte deduit lentement, en
dialogue, en vers de dix syllabes, une comedie du Voltaire n'est jamais
autre chose. Pour faire lire et un peu gouter les tragedies de Voltaire,
je dis quelquefois: "Sachez les lire en prose. Abstraction faite du
vers, elles interessent." Je dirai des comedies: "Lisez-les comme
des contes, prises ainsi, elles sont interessantes." Il n'y a nulle
psychologie, nulle peinture des caracteres, et presque (et cela etonne)
nulle observation meme des petits travers et ridicules courants. Mais ce
sont de jolies petites histoires. La _Prude_ est
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