de lui.--Et de la cette consequence
curieuse: loin que Diderot corrige ce defaut de nos peres qui consistait
a donner des abstractions pour des caracteres, voila qu'il y tombe plus
qu'eux. Tout au moins, en un autre sens, il procede exactement de meme.
Eux nous donnaient pour tout un homme un defaut. Lui nous donne pour
tout un homme, une habitude prise, ou un prejuge, ou une mine. Peindre
l'_inconstant_ c'est faire une abstraction; mais peindre le _juge
d'instruction_, c'est en faire une autre. Ecrire l'_Avare_ c'est
abstraire; mais ecrire le _Pere de famille_ c'est abstraire encore. Ce
qu'il nous faut mettre devant les yeux, c'est un homme avec sa faculte
maitresse, modifiee, ou aidee et exageree, ou combattue par sa
condition, c'est-a-dire l'homme avec son fond, et avec la pression que
font sur lui ses entours, et le pli qu'ils laissent sur lui.--Et, par
exemple, ce n'est ni _l'avare_ ni le _pere de famille_ qu'il faut
ecrire, mais l'avare pere de famille, et c'est precisement ce qu'a fait
Moliere quand il a cree Harpagon.--D'ou il suit qu'au lieu de faire un
pas en avant, Diderot en faisait un en arriere sur ceux qui, tout en
procedant par "caractere", d'instinct n'en montraient pas moins l'homme
concret et complet, en presentant ce caractere dans le cadre que la
"condition" lui faisait, avec l'appoint que la "condition" y ajoutait,
dans le jeu, enfin, et le branle ou la "condition" ne pouvait manquer de
le mettre.
Voila ce que Diderot n'a point vu. Il n'en reste pas moins qu'apercevoir
une partie de la verite, et celle justement que les contemporains
n'apercoivent pas, c'est contribuer a la verite, et qu'abstraction pour
abstraction, il valait mieux pencher vers celles ou l'on ne songeait
pas, que rester dans celles ou l'on s'obstinait. La theorie de Diderot
avait donc et de la justesse et surtout de la portee.
Elle n'etait point, du reste, une rencontre et comme un accident dans la
pensee de Diderot. Il me semble qu'elle se rattachait a l'ensemble de sa
doctrine, ou, si l'on veut, de ses penchants. Mediocre et meme mauvais
moraliste, mediocre et meme a peu pres nul comme psychologue, il
ne devait guere voir dans l'homme que des instincts innes qui se
developpent, grandissent, et se font leur voie; "naturaliste" et grand
adorateur des forces materielles, il devait voir l'homme plutot comme
engage dans l'immense, rude et lourd mouvement des choses, et absolument
asservi par elles; il devait le voir bien plutot c
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