est ainsi; mais toutes les epreuves sont
concluantes.--Peut-etre cela tient-il tout simplement a ce qu'il en est
tout de meme dans la vie reelle. L'acte moral est toujours chose louable
et qu'on respecte; mais pour qu'il ait sa chaleur communicative, sa
vertu penetrante et vivifiante, pour qu'il soit aimable et, partant,
pour qu'il ait tout son effet, il faut qu'il ne soit pas concerte, qu'il
n'ait pas trop l'air de se rendre compte de lui-meme, qu'il ait un
certain abandon et oubli de soi. Sinon, il a l'air moins d'un acte que
d'une lecon qui se deguise en acte. Il reste venerable bien plutot
qu'il n'est sympathique et contagieux.--L'effet est tout pareil en
litterature. Nous aimons tirer la lecon morale des faits qu'on nous met
sous les yeux; nous n'aimons pas qu'on nous la fasse.
Voila une des raisons pour lesquelles le _Pere de Famille_ et le _Fils
naturel_ sont des oeuvres si ennuyeuses. Il y a malheureusement d'autres
raisons. Deux choses manquent essentiellement a Diderot, qui ne laissent
pas d'etre importantes pour l'auteur dramatique, la connaissance des
hommes et l'art du dialogue. Il n'avait aucune faculte de psychologue.
Jamais un homme n'a ete pour lui un sujet d'etudes, parce que chaque
homme lui etait une cible d'eloquence. Toute personne qui entrait
chez lui etait immediatement roulee dans le flot bouillonnant de son
discours. Un torrent est mediocre observateur et mauvais miroir.--Et il
ignorait l'art du dialogue pour la meme cause. Sur quoi l'on m'arrete.
Les dialogues semes dans les romans et les salons de Diderot sont pleins
de verve. Il est vrai. Mais ce ne sont pas des dialogues, ce sont
des monologues animes. C'est toujours Diderot qui s'entretient avec
lui-meme. Il se multiplie avec beaucoup d'agilite et de fougue; mais
il ne se quitte point. Il est de ceux qui font a eux seuls toute une
discussion. "Vous me direz que.... J'entends bien qu'on me repond....
Tout beau! dira quelqu'un"; mais qui, du reste, ne discutent jamais. Ces
gens-la, a force de se faire l'objection a eux-memes, n'ont jamais eu
ni la patience ni le temps d'en entendre une.--Ainsi Diderot dans ses
dialogues. Il dit quelque part: "Entendre les hommes, et s'entretenir
souvent avec soi: voila les moyens de se former au dialogue." Le second
ne vaut rien, et Diderot l'a pratique toute sa vie; le premier est le
vrai, et Diderot ne l'a jamais employe, pour avoir consacre tout son
temps au second. Aussi, dans ses drames, c'est toujours
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