amusant et un metteur en scene presque
inimitable, parce qu'il avait de la vie, et des yeux qui ne lachaient
point leur proie; et c'est ce que je me plais a repeter.
Diderot s'est essaye a l'art dramatique, et c'est ou il a le moins
reussi. Tout lui manquait, a bien peu pres, pour y entrer, pour s'y
reconnaitre, pour y avoir l'emploi de ses qualites. Et d'abord remarquez
qu'il a beaucoup reflechi sur l'art dramatique et que c'est un grand
raisonneur en questions theatrales. Mauvais signe. Il peut exister, et
la chose s'est vue, un homme assez complet et assez bien doue pour
etre d'une part un theoricien d'art dramatique, d'autre part pour etre
capable d'oublier toute theorie quand il prend sa plume de theatre,
condition necessaire pour s'en bien servir. Mais la rencontre est rare.
D'ordinaire, des theories familieres et cheres au critique, les unes
s'evanouissent et lui echappent, dont il faut le feliciter, quand
il concoit une piece de theatre; mais quelques-unes restent, celles
auxquelles il tient le plus, et c'est encore trop, et son imagination de
createur en est refroidie et paralysee, quand ce n'est pas chose plus
grave, que la theorie reste parce que l'imagination n'est pas venue.
Ceci est le cas de Diderot.
Il avait une foule d'idees vagues sur le theatre; d'idees vagues,
obscurcies encore par ce verbiage incoherent et fumeux, qui lui est
naturel quand il dogmatise, et qui est cruel pour le lecteur. De ce
chaos, ou je crains qu'il n'y ait beaucoup de vide, je tire du mieux que
je peux les trois ou quatre doctrines les plus saisissables.
Il voulait plus de naturel au theatre, comme tout le monde; car, d'age
en age, le naturel de l'epoque precedente parait le pire conventionnel
a celle qui vient; et cela est necessaire, parce que, seulement pour
se maintenir au meme degre de conventionnel, il faut reagir contre le
conventionnel tous les cinquante ans, sans quoi l'on tomberait dans le
pur procede en deux generations.--Il voulait donc plus de naturel, ce
qui, pour lui, voulait dire: point de vers, moins de discours, et moins
de paroles,--de la prose, plus de cris et plus de gestes. Un sauvage
entre a la Comedie francaise; il ne comprend rien a des gens qui parlent
un langage rythme, qui a une question de vingt lignes repliquent par une
reponse de trente, et qui se tiennent bien en s'insultant, et se donnent
ceremonieusement la mort.--Remarquez que le sauvage regardant une statue
ne comprendrait rien, non plus,
|