eveloppement de l'humanite, qui est celle
d'un Montesquieu, et qui suppose l'esprit philosophique--Voltaire a
toutes les lumieres, toutes les agilites, toutes les adresses, et toutes
les prudences et tous les scrupules de l'intelligence.--On les lira
toujours, parce que le merite essentiel de l'histoire est la clarte, et
que Voltaire est souverainement clair et limpide.--On saura toujours
que le tableau de l'Europe depuis le XVe siecle dans l'_Essai sur les
moeurs_ est un chef-d'oeuvre, et que les _recits_ du _Siecle de Louis
XIV_ et de _Charles XII_ sont incomparables de vivacite, de verve et de
lumiere.
On reprochera toujours a ces livres d'etre insuffisamment composes. Sauf
_Charles XII_, parce que _Charles XII_ est un pur recit, ces ouvrages ne
sont jamais construits, amenages et ramasses autour d'une idee centrale
qui les commande et les soutienne. Ils commencent, finissent, et
recommencent. On l'a dit du _Siecle_; on ne l'a pas dit assez
de l'_Essai_, si admirable par endroits. L'_Essai_ est souvent
indefinissable. Est-ce de la philosophie de l'histoire? Est-ce
de l'histoire anecdotique? C'est de la philosophie de l'histoire
intermittente, et de l'histoire sautillante et saccadee. C'est une etude
sur "l'esprit et les moeurs" qui s'oublie elle-meme a chaque instant, et
laisse la place a l'histoire proprement dite, incomplete du reste, ou
au desordre tumultueux des petits faits amusants et des anecdotes
satiriques. A tout prendre, c'est un joli chaos. Le livre ferme,
cherchez a en retrouver ou retablir la ligne generale et le dessin.
C'est le defaut supreme de Voltaire, comme aussi de tout son siecle.
Jusqu'a Rousseau et Buffon, ce qu'on voit qui a ete perdu dans les
choses de lettres, c'est le sentiment du rythme. Les ouvrages ne sont
plus harmonieux. L'_Esprit des Lois_ ne l'est pas. Les ouvrages de
Diderot ne le sont jamais. Les romans du XVIIIe siecle sont invertebres.
Les livres de ces hommes sont sans rythme, leur art est sans loi
secrete, leurs oeuvres ne sont pas des concerts, parce que leurs pensees
sont toujours un peu des aventures. Ils n'ont pas de juste ordonnance
dans leurs ecrits, parce que, si intelligents qu'ils soient, ils sont
toujours un peu desequilibres.
La curiosite est une muse, la coquetterie en est une autre. On devrait
les grouper toutes deux autour du medaillon de Voltaire. Voltaire est un
eternel desir de plaire parce qu'il est un insatiable besoin de jouir;
et au souci de plaire i
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