s. Elle vous dira: "O vous qui, d'apres
l'impulsion que je vous donne, tendez vers le bonheur a chaque instant
de votre duree, ne resistez pas a ma loi souveraine. Travaillez a
votre felicite; jouissez sans crainte; soyez heureux. Vainement, o
superstitieux, cherches-tu ton bien-etre au dela des bornes de l'univers
ou ma main t'a place.... Ose t'affranchir du joug de cette religion,
ma superbe rivale, qui meconnait nos droits; renonce a ces dieux
usurpateurs de mon pouvoir, pour revenir sous mes lois. Reviens donc,
enfant transfuge, reviens a la nature! Elle te consolera, elle chassera
de ton coeur ces craintes qui t'accablent, ces inquietudes qui te
dechirent, ces haines qui te separent de l'homme que tu dois aimer.
Rendu a la nature, a l'humanite, a toi-meme, repands des fleurs sur la
route de ta vie...."
[Note 75: _De la poesie dramatique_.--Du drame moral.]
--C'est le retour a l'etat sauvage que preche la ce singulier
philosophe!--N'en doutez pas un instant; et son dernier mot sur ce point
est le _Supplement au voyage de Bougainville_, qu'il m'est difficile
d'analyser ici, mais que je prie qu'on croie que je ne calomnie pas en
l'appelant une priapee sentimentale. Plus de religion, cela va sans
dire; mais aussi plus de morale, et plus de pudeur! La nature (ceci est
parfaitement vrai) ne connait ni l'une, ni l'autre, ni la troisieme.
Toutes ces choses sont des "inventions" humaines, imaginees par des
tyrans pour nous gener et nous rendre miserables. "Il existait un homme
naturel: on a introduit au dedans de cet homme un homme artificiel, et
il s'est eleve dans la caverne une guerre civile qui dure toute la vie.
Tantot l'homme naturel est le plus fort; tantot il est terrasse par
_l'homme moral et artificiel_.... Cependant il est des circonstances
extremes qui ramenent l'homme a sa premiere simplicite: dans la
misere l'homme est sans remords, dans la maladie la femme est sans
pudeur[76]."--Et a la bonne heure!
[Note 76: _Supplement au voyage de Bougainville_.]
Que faire donc: "Faut-il civiliser l'homme ou l'abandonner a son
instinct?" Presse de "repondre net", Diderot ne se fera pas prier: "Si
vous vous proposez d'en etre le tyran, civilisez-le, empoisonnez-le de
votre mieux d'une morale contraire a la nature, eternisez la guerre dans
la caverne", c'est ce qu'ont fait tous les tyrans pares du beau titre
de civilisateurs: "J'en appelle a toutes les institutions politiques,
civiles et religieuses: examinez-les pro
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