ose qui pourrait ne pas etre, qui a
commence, qui peut finir, et qui ne doit pas se dire legitime, parce
qu'elle n'est pas necessaire. Et de cette invention on ruine, les unes
apres les autres, toutes les parties essentielles. On s'attache
a montrer, pour ce qui est de la legislation, qu'elle n'est pas
raisonnable, pour ce qui est de l'autorite, qu'elle est despotique, pour
ce qui est de la religion, qu'elle n'est pas divine.--Et il reste
la morale, a laquelle on n'ose point toucher d'abord. Cependant
Vauvenargues reclame deja en faveur de la nature, qu'il lui semble qu'on
reprime trop, et des "passions", dont il lui parait que certaines sont
belles et "nobles". Et Rousseau hesite, cherchant d'abord a mettre le
"sentiment" a la place de la morale "artificielle", revenant plus tard a
une sorte de morale rattachee a la croyance en Dieu et en l'immortalite
de l'ame, c'est-a-dire a une morale religieuse, qui n'exclut que le
culte.
Et Diderot plus audacieux, non seulement, dans la destruction de
l'invention sociale, va jusqu'a la ruine de la morale, mais surtout, et
presque exclusivement, insiste sur ce point, et y porte tout son effort.
Ce qu'il y a de plus "artificiel" pour lui dans toutes ces inventions
mechantes et funestes, c'est la moralite. C'est elle (et en ceci il a
raison) qui eloigne le plus l'homme de l'etat de nature ou vivent les
animaux et les plantes. La nature est immorale. D'autres en concluent
que l'homme doit mettre toute son energie a s'en distinguer. Il en
conclut qu'il doit la suivre, sans vouloir s'apercevoir que si la nature
est immorale, ce qui peut seduire, elle est feroce aussi, et par suite,
ce qui peut faire reflechir. Mais le besoin d'affranchissement l'emporte
dans son esprit, et le dernier fondement de la forteresse sociale,
respecte encore, ou indirectement et mollement attaque, c'est ou il se
porte avec colere et vehemence. Avec lui le cercle entier, maintenant,
est parcouru, et la derniere extremite ou la reaction violente contre
l'etat social, trop genant et penible, pouvait atteindre, c'est lui qui
y est alle.
N'en concluez pas que ce soit un coquin. C'est un homme qui s'amuse. Il
n'attache pas lui-meme grande importance a ces ouvrages epouvantables ou
il y a de l'ingenieux, de l'eloquent et du criminel. Il en parle comme
d'impertinences, "d'extravagances" et de "bonnes folies". Ce sont
gaietes et propos de table. C'est a cela qu'il se delasse de
l'_Encyclopedie._ Considerez toujours
|