a poursuit
toujours, a travers ses erreurs, ses coleres et ses desespoirs. C'est la
partie vraiment glorieuse de sa vie. On aime a croire qu'il s'y reposait
et s'y epurait. A coup sur il s'y plaisait. Si l'_Essai sur les moeurs_
sent trop le pamphlet, et souvent inquiete et parfois irrite, le _Siecle
de Louis XIV_ et _Charles XII_ et _Pierre le Grand_ sont des oeuvres de
conscience, d'exactitude et de grand talent.
Et sans doute, reprenant mes considerations generales, je pourrais bien
dire qu'ici encore la penetration de Voltaire a ses limites ordinaires;
que, si bien informe des choses de l'Europe moderne, le mouvement
general de l'histoire de l'Europe moderne lui echappe; que sa politique
est bornee comme elle est peu genereuse; que l'ecrasement des petits par
les colosses ayant pour resultat dans l'avenir la pesee, redoutable et
ruineuse pour tous, des colosses les uns sur les autres, il ne l'a pas
vu venir, ou s'y est resigne bien complaisamment, ou l'a souhaite; que,
comme le pressentiment de l'avenir, le sentiment du passe parfois lui
fait defaut; que l'ame du XVIIe siecle francais, si pres de lui, a
savoir la grandeur morale, le haut ideal et l'ardent patriotisme, est
chose dont il ne s'apercoit guere.--Mais j'aime mieux voir de quel soin
minutieux il poursuit le menu detail instructif, le trait de moeurs
caracteristique et curieux, de quel art aussi il fait revivre avec une
sympathie vraie ce siecle de ses predecesseurs qu'il admire au moins
pour sa gloire litteraire et artistique. Il n'y a de patriotisme, en
tout Voltaire, que dans le _Siecle de Louis XIV_; mais vraiment, ici, il
y en a.--Et, peut-etre on me dira que Voltaire est bien adroit, et
que le _Siecle de Louis XIV_ ecrit a Berlin etait une jolie parade a
l'adresse de ceux qui l'appelaient "le Prussien", une rentree eventuelle
bien menagee, et un bon passeport de retour; mais j'aime mieux me
figurer l'homme qui a ete Francais au moins en ceci que personne ne fut
jamais plus Parisien, sentant, une fois en sa vie, l'amour du pays lui
venir au coeur au moment ou le sol natal lui manque; et, par le soin
qu'il prend de dresser un monument a l'honneur de sa patrie, se
consolant, ou se chatiant, de l'avoir quittee.
On lira toujours les livres d'histoire de Voltaire, parce que la qualite
maitresse de l'historien, comme l'a dit Thiers, c'est l'intelligence, et
que--sauf cette intelligence generale, etendue, penetrante, qui saisit
les lois d'existence et de d
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