un _conte_ charmant. La
suite et l'enchainement des scenes, les entrees et les sorties, la forme
dialoguee elle-meme, ce semble, sont un peu des genes pour Voltaire, et
il court moins lestement que dans un conte proprement dit; mais le conte
est fait cependant, et il est agreable. La verve, l'invention facile de
petites aventures amusantes est la, comme par-dessous, un peu offusquee
et refroidie; mais on la retrouve. On voudrait que cela fut raconte,
tout simplement.
L'_Enfant prodigue_ est de meme, et aussi _Nanine_. Ce n'est jamais
dramatique, et ce n'est jamais _en scene_. On ne voit jamais les
forces diverses du petit drame former rouage, peser l'une sur l'autre,
s'engrener, et se froisser de plein contact. Dans un _Tartufe_ ecrit
par Voltaire, Tartufe serait hypocrite de son cote, et Orgon credule
du sien. Ils ne se rencontreraient point. Dans un _Avare_ ecrit par
Voltaire, Harpagon serait avare en _a parte_, et _Frosine_ intrigante en
monologue. Ils ne se heurteraient guere.
Et, d'autre part, le relief manque; ce qui fait qu'une scene, meme a la
lire, s'arrange d'elle-meme pour le theatre et s'y ajuste, y est vue s'y
posant et s'y mouvant, a la vie scenique, en un mot, chose plus facile
a sentir qu'a definir; cela fait defaut a Voltaire bien plus dans ses
comedies que dans ses tragedies. Des contes, rien de plus; un conte
moitie sentimental, moitie satirique comme l'_Ecossaise_; un conte
sentimental et moral comme _Nanine_, sorte d'_Ami Fritz_ plus
romanesque; un conte vertueux et "attendrissant", dans le gout de La
Chaussee, comme l'_Enfant prodigue_, mais toujours des contes, ou le
_fait_, d'une part, l'_intention morale_, de l'autre, font l'interet.
Mais en matiere de comedie ce sont justement ces deux choses-la qui sont
d'un interet mediocre.--C'est dans son theatre comique que l'impuissance
psychologique de Voltaire et son impuissance a creer des etres vivants
eclatent le plus, sans doute parce que c'est dans le theatre comique que
les qualites ou de createur ou d'observateur penetrant sont le fond de
l'art.
Toutes les grandes formes de l'art, Voltaire s'y est donc essaye,
toujours avec un demi-succes, pour les memes causes pour lesquelles il a
touche a toutes les grandes idees sans les approfondir. Il n'etait pas
capable de _detachement_; et c'est l'honneur des grands artistes que la
meme vertu leur soit essentielle et necessaire qu'aux grands penseurs,
et c'est l'honneur des grands penseurs que la me
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