ide et serree, comme:
"_Nil actum reputans si quid superesset agendum_", et je songe a une
_Henriade_."--Et la _Henriade_ a vu le jour. C'est un poeme tres
intelligent.
Non pas, sans doute, d'une intelligence tres profonde et tres penetrante
des vraies conditions de l'art, lesquelles se sentent, plus qu'elles ne
se comprennent. Ici la creation est la mesure juste du sens critique, et
l'invention juge la theorie. Voltaire se trompe, encore ici, sur le fond
des choses, qu'il n'atteint pas. Il prend la galanterie pour l'amour,
l'allegorie pour le merveilleux et l'histoire pour l'epopee. Mais dans
les limites d'une intelligence qui fut toujours fermee aux trois ou
quatre conceptions superieures de l'ame humaine, la _Henriade_ est
un poeme tres intelligent.--Je comprends qu'elle laisse froid, je ne
comprends pas qu'elle ennuie. C'est de l'histoire anecdotique tres
amusante. Le sens critique que l'a concue; mais le genie de curiosite
l'a executee. Il y a la des portraits bien faits, des scenes bien
racontees, et des "Etats de l'Europe en 1600" rediges en prose
admirable, precis, ramasses et clairs, qui feraient tres grand honneur
a des manuels d'histoire pour homme du monde.--Comment il faut lire la
_Henriade_? Posement, sans anxiete et sans transport (elle le permet),
en saisissant bien ce qu'il y a dans chaque vers d'allusion a une foule
d'evenements, et en lisant surtout les notes de Voltaire, qui eclairent
les allusions et completent le cours. Et lue ainsi, elle est un vif
plaisir de l'esprit dans une grande tranquillite du coeur et un grand
calme de l'imagination. On y voit presque toute l'histoire de France,
surtout ce que Voltaire en aime, dans la belle lumiere d'un jour clair
et un peu frais: Saint Louis, Francois Ier, les Valois, Henri IV et ce
cher siecle de Louis XIV prolonge quelque peu jusqu'a Voltaire lui-meme.
La curiosite a dicte ces pages, a dicte ces notes, et elle se satisfait
a les lire. C'est le poeme le plus distingue, le plus judicieux et le
plus utile qu'on ait ecrit en France depuis Mezeray.
La _Pucelle_ est moins amusante. On peut meme dire qu'elle est
illisible. C'est un poeme plaisant, a qui il manque d'etre comique. Ces
personnages burlesques font des sottises qui ne font point rire. Faut-il
ecrire un tres grand mot en parlant de la _Pucelle_? N'importe; je dirai
que c'est parce que Voltaire manque de psychologie. Ce ne sont point
les aventures ou des hommes sont engages qui sont bouffonnes par
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