te maison?
--Et pourquoi ne reviendriez-vous pas dans cette maison? Croyez-vous
donc que c'etait votre uniforme qui faisait mes sentiments?
--Chere Clotilde!
Un bruit de pas qui retentit dans le vestibule interrompit notre
entretien: c'etait le general qui rentrait pour dejeuner et faisait
resonner les roulements de sa canne.
L'accent et le regard de Clotilde, bien plus que ses paroles, m'avaient
rendu l'esperance, et avec elle la force. Mais ce n'etait pas tout.
Comment le general allait-il accepter mon recit?
Je le recommencai long et circonstancie, en insistant surtout sur ma
demission que j'avais donnee au colonel, et que je n'avais reprise que
pour empecher le sang de couler; du moment que les fusillades que je
reprouvais etaient ordonnees malgre moi, je devais me retirer.
Je suivais avec anxiete l'effet de ces explications. Le general resta
assez longtemps sans repondre, et j'eus un moment de cruelle angoisse.
--J'avoue, dit-il enfin, que j'aurais mieux aime votre demission quand
votre colonel a voulu vous donner le commandement du detachement envoye
dans le Var, cela eut ete plus net et plus crane. On ne peut pas obliger
un honnete homme a faire ce que ses opinions lui defendent. L'abandon
de votre commandement devant l'ennemi me plait moins: c'est presque une
desertion. Je comprends ce qui l'a amenee, mais enfin c'est grave. En
tout cas, il depend de Solignac de lui donner le caractere qu'il voudra,
et je me charge de lui ecrire la-dessus.
--Ceci ne regarde pas M. de Solignac, il me semble.
--Je vous en prie, laissez-moi agir a mon gre. J'ai mon idee. Et
maintenant, que comptez-vous faire, mon cher comte?
--Je ne sais, et de l'avenir je n'ai pas souci pour le moment. Ce
qui m'inquiete et me tourmente, c'est votre sentiment; vos opinions
m'epouvantent, j'ai peur de vous avoir blesse.
--Blesse pour avoir obei a vos convictions, allons donc. Touchez la,
mon ami: vous etes un homme de coeur. J'aime l'armee, mais si la
Restauration ne m'avait pas mis a pied, je vous prie de croire que je
lui aurais... fichu ma demission, et plus vite que ca. On fait ce qu'on
croit devoir faire d'abord, le reste importe peu, mais l'heure s'avance,
allons _dijuner_. Offrez votre bras a ma fille... Bayard.
XXXVIII
J'aurais voulu rester a Cassis toute la journee, afin de trouver une
occasion de reprendre avec Clotilde notre entretien au point ou il avait
ete interrompu.
Car notre esprit est ainsi fait,
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