et commandait en maitre.
--Vous savez pourquoi je m'etais decide a me faire commercant? lui
dis-je. C'etait pour me creer promptement une position qui me permit de
devenir votre mari. Vous n'avez pas voulu attendre.
--Voulu....
--Mon intention n'est pas de recriminer; vous n'avez pas pu attendre.
Alors, je n'avais pas de raisons pour rester a Marseille et j'en avais
de puissantes pour venir a Paris: mon amour qui m'obligeait a vous
chercher, a vous trouver, a vous voir.
Elle leva la main pour m'arreter, mais je ne la laissai point
m'interrompre; saisissant sa main, je m'approchai jusque contre elle,
et, tenant mes yeux attaches sur les siens, je continuai:
--Ce que votre mariage m'a fait souffrir, je ne le dirai pas, car ni
pour vous, ni pour moi, je ne veux revenir sur ce passe horrible, mais,
si cruelles qu'aient ete ces souffrances, elles n'ont pas une minute
affaibli mon amour. Dans l'emportement de la colere, sous le coup de
l'exasperation, precipite du ciel dans l'enfer, brise par cette chute,
accable sous l'ecroulement de mes esperances, j'ai pu vous maudire, mais
je n'ai pas pu cesser de vous aimer. C'est parce que je vous aimais que
je suis parti pour l'Espagne par crainte de ceder a un mouvement de
fureur folle, le jour de votre mariage. C'est parce que je vous aimais
que j'ai quitte Marseille pour venir ici vivre pres de vous. C'est parce
que je vous aime que je suis tremblant, attendant un mot, un regard
d'esperance.
Plusieurs fois elle avait voulu m'interrompre et plusieurs fois aussi
elle avait voulu se degager de mon etreinte, mais je ne lui avais pas
laisse prendre la parole et n'avais pas abandonne sa main.
--Ah! Guillaume, dit-elle en detournant la tete, epargnez-moi.
--Ne detournez pas votre regard et n'essayez pas de retirer votre main.
J'ai commence de parler, vous devez m'entendre jusqu'au bout.
--Et que voulez-vous donc que j'entende de plus? Que voulez-vous que je
vous reponde?
--Je veux que ce que vous m'avez dit la derniere fois que nous nous
sommes vus, vous me le repetiez aujourd'hui. Alors, peut-etre,
j'oublierai le passe, et une vie nouvelle commencera pour moi, pour
nous, une vie de tendresse, d'amour, chere Clotilde. Tournez vos yeux
vers les miens; regardez-moi, la ainsi, comme il y a trois mois, et ce
mot que vous avez dit alors: "Guillaume, je vous aime," repetez-le,
Clotilde, chere Clotilde.
En parlant, je m'etais insensiblement rapproche d'elle; je l'entourai
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