er plus que vous ne l'etiez il y a un mois.
--Qui est certain du lendemain, vous excepte, mon ami? Laissez aller
la vie, et prenons en riant les bonnes fortunes qu'elle nous envoie.
L'imprevu n'a donc pas de charme pour vous?
--L'incertitude m'epouvante.
--Je comprendrais cette peur de l'imprevu si vous ne me saviez pas
disposee a profiter de toutes les occasions qu'il nous offre, et meme
a les faire naitre; ce reproche, vous ne pouvez pas me l'adresser,
n'est-ce pas? Si nous ne sommes pas toujours ensemble du matin au soir,
ce n'est pas ma faute, et vous voyez vous-meme comment je travaille a
notre reunion.
--A notre reunion en public, oui, mais dans l'intimite, dans le
tete-a-tete....
--Et que voulez-vous que je fasse?
--Si vous vouliez.
--Dites si je pouvais, ou plutot ne dites rien, et ne revenons pas sur
un sujet qui ne peut que nous peiner tous deux.
Ce qu'elle appelait les bonnes fortunes de la vie, c'etaient nos
rencontres fortuites, et la verite est qu'elles se produisaient presque
chaque jour et meme plusieurs fois par jour.
Partout ou se reunissaient trois personnes a la mode, il etait certain
qu'elle ferait la quatrieme: aux expositions de peinture, aux sermons de
charite, aux courses, aux premieres representations.
J'aurais voulu ne voir la qu'un empressement a chercher les occasions
d'etre ensemble; par malheur, si bien dispose que je fusse a croire
tout ce qui pouvait caresser mon amour, je ne pouvais me faire cette
illusion.
En se montrant ainsi partout, Clotilde obeit un peu a son gout pour le
plaisir, un peu aussi au desir de me rencontrer, mais surtout elle se
conforme aux intentions de son mari qui veut qu'elle soit a la mode. Ce
n'est pas pour lui qu'il a epouse une femme jeune et belle, c'est pour
le monde; de meme que c'est pour le monde qu'il a de beaux chevaux et
qu'il tache d'avoir une bonne table. Il faut qu'on parle de lui, et tout
ce qui peut augmenter sa notoriete et, en fin de compte, servir ses
affaires, lui est bon. Que ce genre de vie expose sa femme a de certains
dangers, il n'en a souci; son ambition n'est pas qu'on ecrive sur sa
tombe: "Il fut bon pere et bon epoux." S'il a jamais eu le sens de la
famille, il y a longtemps qu'il l'a perdu. A son age, il est presse de
jouir, et les jouissances qu'il demande, ne sont point celles qui font
le bonheur du commun des mortels.
Quand je rencontre Clotilde au theatre ou aux courses, nous avons la
aussi, bien entend
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