us ecouter. Il n'entre pas dans mes intentions de vous
empecher de voir votre fille.
--Ou est-elle?
--Je vous conduirai pres d'elle; mais vous ne la verrez pas sans moi;
nous la verrons ensemble.
--Avec vous, jamais!
Je sortis. Que faire? Elle n'avait pas pu faire prendre mon enfant pour
la donner a un autre. J'etais son pere. Mes droits etaient certains.
J'allai consulter un avocat de mes amis. Par malheur mes droits
n'existaient pas, puisque l'acte de naissance de ma fille ne portait pas
que j'etais son pere; elle n'etait pas a moi. M. et madame la baronne
Torlades avaient pu "la legitimer par mariage subsequent."
Cette consultation et les delais necessaires pour que mon ami se
procurat cet acte de mariage donnerent le temps a ma fureur de
s'apaiser; le sentiment paternel l'emporta.
J'ecrivis a madame la baronne Torlades que j'etais a sa disposition pour
faire la visite dont elle m'avait parle. Elle me repondit qu'elle serait
le lendemain a la gare du Nord a dix heures.
Elle fut exacte au rendez-vous. Nous partimes pour Bernes, un village
aupres de Beaumont, et nous fimes la route sans echanger un seul mot.
Je trouvai ma fille chez une fermiere. Mais apres nous avoir regardes
quelques secondes, elle ne fit plus attention a nous: elle ne
connaissait que sa nourrice.
Le retour fut ce qu'avait ete l'aller. Je ne levai meme pas les yeux sur
cette femme que j'avais tant aimee, que j'aimais tant.
--Quand vous voudrez voir Valentine, me dit-elle en arrivant dans la
gare, vous n'aurez qu'a m'avertir, car je dois vous dire que j'ai donne
des ordres pour qu'on ne puisse pu l'approcher sans moi.
Je ne repondis pas et m'eloignai.
Le soir meme, je prenais le train de Saint-Nazaire.
Et c'est de ma cabine de la _Floride_ que je t'ecris cette lettre.
Je retourne au Mexique. Arrive le 12, je repars le 20. Je suis reste
huit jours en France; les huit jours les plus douloureux de ma vie.
Je t'ecrirai de la-bas si j'assiste a des choses interessantes, ce qui
est probable.
On va se battre. Des renforts sont envoyes; la guerre va etre
vigoureusement poussee. Fasse le ciel que je puisse mourir sur le champ
de bataille, et que j'aie le temps de me voir mourir... pour mon pays.
J'ai besoin que ma mort rachete ma vie.
FIN
NOTICE SUR CLOTILDE MARTORY
Au mois d'avril 1871, aller de Versailles a Fontenay-sous-Bois, etait
un voyage qui demandait plus de vingt-quatre heures, et qui, si
l'itine
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