raire n'en etait pas choisi avec certaines precautions, pouvait
presenter des dangers puisque sur la ligne des fortifications qui
va d'Ivry a Asnieres, les troupes de la Commune et de Versailles se
battaient chaque jour du matin au soir, souvent meme une partie de la
nuit, et qu'il fallait faire un circuit assez large pour ne pas etre
pris dans la melee.
Mais combien curieux aussi etait-il ce voyage, et lamentable, le long
des routes dont les arbres avaient ete coupes, et a travers les villages
devastes par cinq mois de guerre, aux murs des jardins creneles, aux
facades rayees par les balles, eventrees par les obus, avec ca et la des
trous noirs qui marquaient la place des maisons incendiees. Maintenant
la guerre civile succedait a la guerre etrangere, et la canonnade,
la fusillade, les defiles d'artillerie, les marches des troupes, les
sonneries de clairons, les batteries de tambours continuaient comme s'il
n'y avait rien de change. Mais ce que les paysans voyaient et n'avaient
pas vu pendant la guerre, c'etaient des cavalcades de gens du monde qui,
a cheval ou en break, venaient se donner le spectacle de la bataille
du haut des collines d'ou l'on a des vues sur Paris: le temps etait
generalement beau, l'eclosion du printemps s'accomplissait avec cette
immuable serenite de la nature qui ne connait ni les douleurs ni les
catastrophes humaines, et cet agreable deplacement etait un sport qui
remplacait Longchamps, cette annee-la ferme pour cause de bombardement;
dans les sous-bois, aux carrefours il y avait des haltes ou les claires
toilettes des femmes se melaient aux uniformes des officiers, en
jolis tableaux bien composes, tandis que sur les routes passaient et
repassaient a la file des omnibus charges de Parisiens qui allaient
de Versailles a Saint-Germain et de Saint-Germain a Versailles,
incessamment, toujours en mouvement comme des abeilles autour de leur
ruche envahie et devastee par un ennemi contre qui elles ne peuvent que
bourdonner effarees.
Quand des lignes francaises on passait aux lignes ennemies, on ne
rencontrait plus ces cavalcades, mais l'aspect des villages etait le
meme: les troupes au lieu de marcher a la bataille s'en allaient a
l'exercice, et c'etait le defile successif de tous les uniformes de
l'armee allemande: Prussiens, Saxons, Bavarois, Wurtembergeois, et ce
qui etait un etonnement c'etait de voir sur les murs blancs, souvent
sous les inscriptions d'etapes en langue allemande, un cri franca
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