sans doute aussi elle compromettait gravement le succes de notre
entreprise financiere, mais je ne pensai pas a tout cela, pas plus que
je ne pensai au raisons qui faisaient entreprendre cette expedition;
comme le cheval de guerre qui a entendu la sonnerie des trompettes, je
courais prendre ma place dans les rangs pour marcher en avant: je ne
savais pas trop pourquoi je marchais, ni ou je devais marcher, mais je
devais aller de l'avant et cela suffisait pour m'entrainer. Ce n'est pas
impunement qu'on a ete soldat pendant dix ans et qu'on a respire l'odeur
de la poudre.
Dans mon enivrement j'en vins jusqu'a me demander pourquoi j'avais donne
ma demission. J'avais alors ete peut-etre un peu jeune. Sans cette
demission j'aurais fait la campagne de Crimee, celle d'Italie, et me
trouvant maintenant au Mexique, ce serait avec une position nettement
definie, au lieu de me trainer a la suite de l'armee, sans trop bien
savoir moi-meme ce que je suis, moitie homme d'affaires, moitie soldat.
Cette fausse situation m'a entraine dans une aventure qui m'a deja coute
cher et qui me coutera plus cher encore dans l'avenir probablement.
Voici comment.
Quand j'appris que le general Lorencez pensait a marcher en avant pour
pousser sans doute jusqu'a Mexico, je fus veritablement desole de
n'avoir rien a faire dans cette expedition qui se preparait. Je voulus
me rendre utile a quelque chose et je me proposai pour eclairer la
route. Les hostilites n'etaient point encore commencees; avant de
s'aventurer dans un pays que nos officiers ne connaissaient pas, il
fallait savoir quel etait ce pays et voir quelles troupes on aurait a
combattre si toutefois on nous opposait de la resistance. On accepta
ma proposition et l'on me fixa une date a laquelle je devais etre de
retour, les hostilites ne devant pas commencer avant cette date.
Me voila donc parti avec un guide mexicain. J'avais deja parcouru deux
fois la route de Vera-Cruz a Mexico, mais en simple curieux, qui
n'est attentif qu'au charme du paysage. Cette fois, je voyageais plus
serieusement, en officier qui fait une reconnaissance.
J'allai jusqu'a Mexico et je revins sur mes pas. A mon retour des bruits
contradictoires que je recueillis ca et la me firent hater ma marche. On
disait que les troupes francaises avaient quitte leurs cantonnements et
qu'elles se dirigeaient sur Puebla.
Tout d'abord, je refusai d'admettre cette nouvelle: la date qui m'avait
ete fixee n'etait point arrive
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