uide avait ete la, je pouvais echapper;
mais j'eus beau appeler, personne ne repondit. Dans l'obscurite, trouver
mon cheval et le seller etait difficile. Je perdis du temps.
Quand je sortis de la cour, mes brigands etaient revenus de leur
terreur; ils me saluerent d'une fusillade qui abattit mon cheval et me
cassa la jambe.
Comment je ne fus pas massacre, je n'en sais rien. Je recus force coups;
puis, le matin, comme je n'etais pas mort, on me transporta a Puebla. Je
suis prisonnier a l'hopital, ou l'on soigne ma jambe cassee.
Maintenant, que va-t-il arriver de moi? Je n'en sais vraiment rien. La
guerre est commencee.
Le general Lorencez a ete repousse hier en attaquant les hauteurs de
Guadalupe, et on vient d'amener a l'hopital quelques-uns de nos soldats
blesses.
On me dit qu'il y a en ville des officiers francais prisonniers.
Cette aventure est deplorable, et quand on pense que le drapeau de la
France a ete ainsi engage pour une miserable question d'argent, on a le
coeur serre.
LX
Je suis reste a l'hopital de Puebla depuis le 4 mai jusqu'au
commencement du mois d'aout. Ce n'est pas qu'il faille d'ordinaire tant
de temps pour guerir une jambe cassee; mais a ma blessure se joignit une
belle attaque de typhus, qui pendant trois semaines me mit entre la vie
et la mort. Du 10 mai au 2 juin, il y a une lacune dans mon existence;
j'ai ete mort.
Enfin je me retablis, et grace a la solidite de ma sante, grace aussi
aux bons soins dont je fus entoure, je fus assez vite sur pied.
On fit pour moi ce qu'on avait fait pour les Francais blesses a
l'affaire de Lorette; lorsque je fus gueri on me rendit la liberte, et
le 8 aout j'arrivai a Orizaba ou j'apercus, avec une joie qui ne se
decrit pas, les pantalons rouges de nos soldats.
Mes lettres, mes lettres de France, je n'en trouvai que deux de
Clotilde: l'une datee de la fin d'avril, l'autre du commencement de mai.
Comment depuis cette epoque ne m'avait-elle pas ecrit? Aussitot apres
mon accident, je lui avais ecrit, et si j'etais reste trois semaines
sans pouvoir tenir une plume, j'avais regagne le temps perdu aussitot
que j'etais entre en convalescence. Que signifiait ce silence? Mes
lettres ne lui etaient-elles pas parvenues? Etait-elle malade? Que se
passait-il?
Une lettre de Poirier vint, jusqu'a un certain point, repondre a ces
questions. On m'avait cru mort; mon guide qui s'etait sauve avait
rapporte qu'il m'avait vu sauter par la fenetre et q
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